CAR T cell dès la seconde ligne pour les DLBCL réfractaires ou en rechutes précoces ?

Réf.HematoStat.net ; 2(3) : U10

Locke et al. Axicabtagene Ciloleucel as Second-Line Thrapy for Large B-Cell Lymphoma. N Engl J Med 2022;386:640-54. DOI: 10.1056/NEJMoa2116133

Contexte de l’étude­­­

Les patients avec un lymphome B diffus à grandes cellules (DLBCL) réfractaire ou en rechute précoce(<12 mois) (R/R) ont un pronostic pauvre. Chez les patients éligibles à un traitement intensif, un traitement de rattrapage suivi d’une chimiothérapie haute dose consolidé par une autogreffe de cellules souches hématopoïétiques permet d’obtenir une survie prolongée chez seulement 25 à 30 % des patients. En effet, l’obtention d’une réponse suffisante pour réaliser l’autogreffe, n’est obtenue que chez 50 % des patients après une ou deux lignes de traitement de rattrapage.

L’axicabtagene ciloleucel (axi-cel) est une cellule T autologue avec récepteur d’antigène chimérique anti CD19 (CART cell) ayant déjà montré son efficacité révolutionnaire chez des patients avec DLBCL R/R (essai ZUMA-1) en 3ème ligne thérapeutique ou plus, avec un taux de réponse global (ORR) de 83%, un taux de rémission complète (RC) de 58%, une survie globale médiane de 25 mois et une survie globale à 5 ans de 43%.

Objectifs de l’étude

Comparaison de l’efficacité de l’axi-cel au traitement standard en seconde ligne de pour des patients avec DLBCL R/R.

Résultats de l’étude

Cette étude de phase3international (ZUMA -7) a randomisé 359 patients en R/R après un traitement de première ligne contenant des anthracyclines et un anticorps anti CD20. 2/3 des patients avait une maladie réfractaire à la première ligne de traitement: 180 patients dans le groupe axi-cel, 179 dans le groupe standard. Aucun traitement de « bridging » n’était toléré (hors corticothérapie), dans le groupe axi-cel. Les patients du groupe standard recevaient deux à trois cycles d’une chimiothérapie à base de sels de platine suivi d’une autogreffe en cas de réponse partielle ou complète. Aucun crossover n’était prévu, mais les patients du groupe standard en réponse incomplète pouvaient recevoir un CARTcell par la suite hors protocole.

Dans le groupe axi-cel, le temps médian entre la leucaphérèse et la réinjection des CART cell était de 13 jours, ce qui est un temps très court et tout à fait satisfaisant. L’ORR était de 83% et le taux de RC de 65%. Dans le groupe standard, le taux de réponse globale était de 50 % et le taux de RC de 32%. Seuls 36% des patients ont reçus une chimiothérapie haute dose et une autogreffe.

Le critère d’évaluation principal : la survie sans évènement était significativement plus longue dans le groupe axi-cel (HR :0.40 IC95% [0.31-0.51], p <0.001). La survie médiane sans évènement était de 8.3 [4.5-15.8] vs. 2.0 mois [1.6-2.8] et La survie médiane à 24 mois était de 41 % [33-48] vs.16 % en faveur du groupe axi-cel [11-22].

Figure 1 : survie sans évènements, courbes de Kaplan Meier.

Pas de différence de survie globale sur l’analyse intérimaire : HR : 0.73 IC95% [0.53-1.01], p =0.054. Il faut noter que dans le groupe standard, 56% ont reçu hors protocole après échec un traitement par CART cell et que la survie dans le groupe standard était supérieureà ce qu’elle est observée habituellement pour cette population.

Dans le groupe axi-cel, 69% des patients ont présenté une neutropénie de grade 3-4, 41 % une infection, 92% un syndrome de relargage cytokinique (6% de grade 3 ou plus), 60% une toxicité neurologique (21% de grade 3 ou plus).

Figure 2 : survie globale, courbes de Kaplan Meier.

Quels impacts sur les connaissances et les pratiques cliniques ?

L’axi-cel fait preuve de son efficacité dès la deuxième ligne, cette étude sera surement suivie d’une AMM dans cette indication.

Le pronostic semble globalement similaire entre axi-cel et autogreffe quand cette dernière est réalisable, ce qui n’est le cas que pour 50 % des patients. L’identification a priori de ces patients à risque d’échec n’est pas aisée. Malgré l’absence de différence statistiquement significative en survie globale, suggérant un rattrapage des patients par CART cell en troisième ligne en cas de non faisabilité de l’autogreffe, la différence de survie à 2 ans (61 vs.52%) et le HR montrant une absence de significativité à taux très limite (p=0.054) sont des arguments indirects suggérant une possible supériorité de la stratégie CART cell.

Il persiste malgré des zones de doute. L’absence de « brindging therapy » (hormis corticothérapie) peut faire suspecter une non-inclusion des patients les plus progressifs, pour lequel un traitement est urgent. Un autre argument entrant dans ce cadre est l’absence de supériorité retrouvé dans l’essai BELINDA (cf. ci-dessous), où les patients étaient plus graves.

Deux autres essais ont été publiés ou présentés récemment dans la même indication. L’essai TRANSFORM, avec le lisocabtagen maraleucel (liso-cel) et qui montrait des résultats similaires, sous réserve d’une durée de suivi courte. L’essai BELINDA, en revanche, avec le tisagenlecleucel (tisa-cel), incluant des patients plus graves et autorisant deux lignes de chimiothérapie avant d’accéder à l’autogreffe, ne montre pas de supériorité de la stratégie par CART cell en seconde ligne. Dans ce dernier essai, les résultats de l’immunothérapie étaient étonnement plus faibles que dans l’étude précédente avec les DLBCL R/R en troisième ligne (JULIET).

Critique méthodologique

Cet essai clinique multicentrique (77 centres dans plusieurs pays) de phase 3 suit un schéma plutôt classique (ratio 1 :1) mais avec la particularité d’un blinded independent central review sur l’event free survival (EFS) selon la classification de Lugano(qui est le critère primaire de l’étude), un processus coûteux mais qui permet de réduire les biais dans la détermination de certaines réponses ainsi que la variabilité des mesures effectuées.La randomisation a été stratifiée sur deux paramètres : la réponse au premier traitement et la classification selon les facteurs de risque des patients.

Pour les résultats, on retient la supériorité du bras axi-cel par rapport au bras standard sur l’EFS qui est sans appel, avec une probabilité de survie qui se stabilise autour des 40% pour le bras axi-cel contre moins de 20% pour le bras standard.Pour enfoncer le clou, le forest plot sur l’EFS reportait une supériorité significative statistiquement parlant dans chaque sous-groupe.Si la réponse au traitement et la survie sans progression sont également bien meilleures sur le plan statistique pour le traitement d’intérêt, ce n’était pas le cas sur la survie globale lors de l’analyse intérimaire (la p-value était borderline avec une valeur de 0.052)mais tout de même, axi-cel se situe encore une fois au-dessus du traitement standard.

Les supplemental data contiennent beaucoup d’éléments à ne pas manquer pour illustrer et compléter les résultats obtenus, ainsi que des détails annexes pas si anecdotiques : détails des histogrammes des taux de réponses par bras, ORR par sous-types de maladie, impact du switching de traitement SOC -> axi-cell avec la méthode très récente du Rank Preserving,Structural Failure Rime,la durée de réponse au traitement (par une courbe de Kaplan-Meier), pharmacocinétique du nombre des cellules CART dans le sang, caractéristiques des patients bénéficiant d’une autogreffe, etc.

Points forts Points faibles
Cliniques
  • Essai de phase 3 randomisé international.
  • Utilisation autorisée des CART cell en cas d’échec du bras standard, évidemment justifié d’un point de vue éthique, mais gênant l’interprétation des résultats.
  • Absence de bridging : patients les plus graves non inclus ?
Statistiques
  • Recours à un blinded independent central review.
  • Des supplemental data très enrichissantes et intéressantes venant consolider les résultats.
  • Quelques statistiques comparant les événements indésirables auraient été un plus.

Auteur/autrice