Glasdégib et aracytine faible dose : une association brillante (résultats de l’étude BRIGHT) ?
Réf. : HematoStat.net ; 2 (4) : R39
Résumé de l’article
L’essai de phase 2, randomisée (2/1), multicentrique, évaluait l’association glasdégib et aracytine faible dose chez les patients avec LAM inéligibles à une chimiothérapie intensive (78 dans le bras association et 38 dans le bras contrôle). À la date d’analyse, tous les patients étaient décédés. L’association conférait un avantage significatif de survie (médiane 8,3 mois versus 4,3 mois, et ce quel que soit la catégorie de risque cytogénétique). Le bénéfice semblait plus net chez les patients avec LAM secondaire. La toxicité de l’association était principalement hématologique et diminuait avec le temps.
Dans nos pratiques
Pour les patients avec LAM secondaire, inéligibles à la chimiothérapie intensive et pour lesquels les agents déméthylants ne sont pas utilisables, l’association aracytine faible dose et glasdégib peut constituer une alternative plus intéressante que l’aracytine seule, avec une tolérance tout à fait acceptable.
Le regard du statisticien
Cet essai de phase 2 est presque un essai de phase 2/3 car l’objectif principal de cette étude était de démontrer l’amélioration de la survie pour le bras glasdégib + aracytine, les critères secondaires étant la réponse, le nombre d’événements indésirables mais aussi les besoins transfusionnels.
Cet essai randomisé a inclus des patients âgés (plus de 55 ans) atteints de LAM de novo et secondaires, ce qui a conduit les auteurs à réaliser des analyses descriptives comparatives en fonction des 2 bras de traitement en global et séparément pour chacune de ces 2 pathologies. Au passage, on constate en scrutant la table descriptive de la population globale des critères baseline que le sexe-ratio était un peu différent entre les 2 bras, de même que pour certaines mutations (plus nombreuses dans le bras glasdégib). Ces quelques déséquilibres n’ont pas été pris en compte dans l’ajustement du hazard-ratio (HR), deux fois meilleur pour la survie dans le bras glasdégib comparé à l’aracytine low-dose seul. Cependant on constate dans les analyses de sous-groupes (illustrées par un forest plot) que ce sont les patients atteints de LAM secondaires qui bénéficient véritablement de l’apport de cette molécule (HR = 0.287), alors que pour les LAM de novo les survies étaient équivalentes (p non-significative), chutant en dessous des 20 % de probabilités après deux ans. Même résultats en ce qui concernait le taux de réponse complète (différence significative que pour les LAM secondaires en faveur de glasdégib). Attention à ne pas trop s’enthousiasmer devant ces résultats car l’essai n’a pas été conçu pour établir des conclusions sur cette sous-population ; il faudra attendre les résultats d’une éventuelle phase 3. On note également qu’il semblerait que la survie entre les 2 bras de traitement ne soit pas significativement différente chez les femmes (p-value unilatérale de 0,13) ; de même chez les malades avec un risque intermédiaire 2.
L’une des spécificités de cette étude est d’avoir consacré une analyse sur le suivi sanguin des patients afin d’observer le rétablissement des neutrophiles (beaucoup plus long dans le bras glasdégib par rapport à aracytine seule), plaquettes et hémoglobine. Ces analyses montrent un besoin en transfusion moindre dans le bras expérimental (sans cette fois distinguer les populations LAM de novo et secondaires) ce qui constitue une information relativement importante, « relativement » car nous sommes dans un essai open-label. Un paragraphe est dédié à l’impact des biomarqueurs (mutations) sur la survie chez 83 patients mais au-delà de l’aspect purement descriptif et d’estimations de risque, cela semble un peu anecdotique.
Points forts statistiques
– Bonne vision d’ensemble des résultats (courbes de survie, forest plot, suivi sanguin des patients, besoins transfusionnels, EI, etc.).
– Intéressant de séparer LAM de novo et secondaires mais attention l’essai n’était pas prévu à cet effet.
Points faibles statistiques
– Pourquoi avoir mis les p-values univariées dans le forest plot ?
– Les analyses auraient méritées d’être ajustées sur le sexe des patients et leur statut mutationnel.