Actualités et perspectives dans les syndromes myélodysplasiques

Publié le : 2 janvier 2024

Évaluation des classifications diagnostiques et pronostiques 

La publication récente de la nouvelle classification OMS des SMD (1) et de la classification ICC (2),
qui propose de réduire à 10% la frontière entre les SMD et les LAM, a été l’objet d’une communication du groupe du Lee Moffitt Cancer Center (#463). Les auteurs ont reclassifié les 2 231 patients avec information moléculaire de leur base de données de SMD avec les deux nouvelles classifications. Comme attendu, dans la classification OMS les SMD avec del(5q) et ceux avec mutation SF3B1 présentaient le meilleur pronostic, tandis que les SMD avec fibrose avaient un pronostic plus péjoratif que ceux avec excès de blastes (IB1 + IB2). Dans la classification ICC, le nombre de lignées dysplasique conservait une valeur pronostique, ainsi qu’une proportion de blastes supérieure à 5%. Cependant, la blastose de plus de 10% n’était pas pronostique chez les patients ayant un TP53wt. Les auteurs concluent que les catégories des deux classifications méritent encore d’être affinées, tout comme ceux d’une équipe chinoise qui proposent de garder la séparation entre les SMD avec dysplasie unilignée et multilignée (#560).

En ce qui concerne le pronostic, la classification IPSS-M(3) était à l’honneur, avec trois abstracts consacrés aux corrélations entre l’IPSS-R et IPSS-M. Globalement les trois articles confirment l’augmentation de la précision de la prédiction de la survie globale et de la survie sans évolution leucémique (tableau 1).

Syndromes myélodysplasiques de bas risque

Le Dr Platzbecker (Dresde, Allemagne) a présenté les résultats actualisés de l’imetelstat (#459) chez les patients atteints de SMD lourdement transfusés sans délétion 5q et réfractaires ou en rechute après traitement par agents stimulant l’érythropoïèse. Il s’agissait des résultats de la phase 2 de l’étude IMerge, qui a inclus 57 patients. L’imetelstat était administré par voie IV toutes les 4 semaines à 7,5 mg/kg. L’objectif principal de cette phase II était l’indépendance transfusionnelle de plus de 8 semaines. Parmi les 57 patients, 38 étaient non-prétraités par agents hypométhylants ni par lénalidomide. Sur ces 38, 11 (soit 29%) ont atteint une indépendance transfusionnelle de plus d’un an, et représentaient la majorité des 16 patients ayant atteint une indépendance transfusionnelle de plus de 8 semaines (42%). La tolérance était gérable avec des toxicités principalement hématologiques. Ces résultats précisent les données de réponse précédemment connues pour ce médicament qui reste donc à suivre.

L’association cadauridine + décitabine est en cours de phase 1/2 dans les patients SMD avec un IPSS Low   ou Int-1. Des résultats préliminaires ont été présentés par le Dr Garcia-Manero (#461), et au prix de toxicités principales de neutropénies grade 4, on observe dans la cohorte à 10mg pendant 5 jours/28j un taux d’indépendance transfusionnelle de 4/11 soit 36%. Pour le moment uniquement 47 patients ont été traités, un développement plus avancé est nécessaire. 

L’analyse finale de l’étude SINTRA-REV, qui a comparé le lénalidomide vs. placebo chez les patients atteints de SMD 5q non transfusés sera présentée plus loin. 

Syndromes myélodysplasiques de haut risque

Dans les SMD de haut risque, le traitement généralement réservé aux patients non éligibles à une allogreffe est la 5-azacitidine (4). Une équipe autrichienne a étudié la prédiction de la réponse complète médullaire sous azacitidine, basée sur les données du sang périphérique (#561). Ils partent du principe selon lequel la réponse complète, bien que corrélée à la survie, n’est évaluée que dans environ 50% des cas en dehors d’essais cliniques, du fait de l’amélioration de l’hémogramme, l’arrêt des besoins transfusionnels, l’avis et l’état clinique du patient, etc. Ils ont défini la réponse complète dans le sang comme une quasi-normalisation de l’hémogramme (>1 G/L de PN, leucocytes entre 1,5 et 10 G/L, plaquettes entre 100 et 450 G/L, et hémoglobine > 11 g/dL) sans transfusion, sans blastes, et sans facteurs de croissance, pendant une durée de 8 semaines. Dans une cohorte de 1 441 patients, 36% avaient un SMD de haut risque, 50% une LAM, et 9% une LMMC. 48% des patients ont eu un myélogramme pendant le traitement, mais les variables liées à la moelle ont été retirées du modèle de Cox. En analyse multivariée, la réponse sanguine apportait la meilleure discrimination entre les patients au meilleur ou au moins bon pronostic vis-à-vis de la survie globale ou de la survie sans événement. La réponse sanguine de plus de 8 semaines ajoutait aussi une information pronostique par rapport à la réponse médullaire chez les patients qui ont eu un myélogramme. Ils proposent une analyse basée sur une architecture de réseaux de neurones pour déterminer le pronostic, et montrent que la variable qui contient la plus grande information pronostique est la réponse sanguine de plus de 8 semaines. Cela correspond en fait à la pratique courante : quand un malade va mieux sous traitement, il n’est généralement pas nécessaire de faire un myélogramme…

Leucémie myélomonocytaire chronique

Une étude de l’intérêt du ruxolitinib dans la LMMC (#457), présentée par l’équipe du Lee Moffitt Cancer Center a été présentée par le Dr Padron, et décrit une réponse de façon non conventionnelle dans cette pathologie. La méthodologie et les résultats de cette étude de phase 2 seront détaillés plus loin. Des auteurs taïwanais ont proposé d’appliquer à une cohorte de 44 LMMC un score pronostique de cellules souches hématopoïétique (LSC)(5), développé dans une cohorte de LAM, et basé sur l’expression de 17 gènes (#458). De façon contre-intuitive, même si le score était discriminant, les patients étiquetés à bas risque avaient le plus mauvais pronostic, ce qui peut sembler paradoxal, mais qui souligne sans doute une pathophysiologie différente entre la LAM et la LMMC. Cependant, parmi ces 17 gènes, 3 gènes discriminants sélectionnés par la méthode des rangs maximaux présentaient une valeur pronostique robuste vis-à-vis de la survie sans leucémie et de la survie globale. Ils ont pu valider ce score à 3 gènes dans les sous-groupes de LMMC-1, LMMC-2, LMMC dysplasique et proliférative. Le score à 3 gènes gardait une valeur pronostique dans des cohortes de validation de LMMC espagnole, taiwanaise, anglaise, et américaine. 

Chélation du fer

Dans les syndromes myélodysplasiques, la chélation du fer est maintenant dominée par l’utilisation du déférasirox(6), qui a la praticité de la prise en charge orale par rapport à la déféroxamine. La défériprone est peu utilisé du fait du risque d’agranulocytose chez 1 à 2% des patients, qui dans le cas des SMD sont souvent déjà neutropéniques. L’équipe de Yale, représentée par Amer Zeidan (#462), a repris dans un registre de sécurité et dans un programme de mise à disposition compassionnel les données des patients atteints  de SMD traités par défériprone pour la chélation du fer. Cette étude rétrospective a colligé 115 patients adultes atteints de SMD. Leur âge médian était de 78 ans, avec une durée d’exposition médiane de 1,1 an. Les raisons de l’arrêt étaient le décès, l’avis du médecin, des effets secondaires dans 16 cas, l’admission en soins palliatifs, l’absence de réponse, l’absence d’assurance, et la permutation vers un autre chélateur. Les effets secondaires étaient principalement la diarrhée (28,7%), les nausées (22,6%), les vomissements (21,6%), et la fatigue (21,7%). Les neutropénies profondes ont été observées dans 3,5% des cas, soit 4 cas, dont deux ont récupéré après l’arrêt de la défériprone.

Pr Emmanuel Gyan, CHU de Tours.

 

Tableau 1 : synthèse des comparaisons IPSS-R/IPSS-M présentés à l’ASH 2022. LFS : survie sans leucémie. OS, survie globale.

 

Références

  1. Khoury, J. D., Solary, E., Abla, O., et al. (2022). The 5th edition of the World Health Organization Classification of Haematolymphoid Tumours: Myeloid and Histiocytic/Dendritic Neoplasms. Leukemia 2022 36:7, 36(7), 1703–1719. https://doi.org/10.1038/s41375-022-01613-1.
  2. Arber, D. A., Orazi, A., Hasserjian, R. P., Borowitz, M. J., et al. (2022). International Consensus Classification of Myeloid Neoplasms and Acute Leukemias: integrating morphologic, clinical, and genomic data. Blood, 140(11), 1200–1228. https://doi.org/10.1182/BLOOD.2022015850.
  3. Bernard, E., Tuechler, H., Greenberg, P. L., et al. (2022). Molecular International Prognostic Scoring System for Myelodysplastic Syndromes. NEJM Evidence, 1(7). https://doi.org/10.1056/EVIDOA2200008.
  4. Fenaux, P., Mufti, G. J., Hellstrom-Lindberg, E., et al. (2009). Efficacy of azacitidine compared with that of conventional care regimens in the treatment of higher-risk myelodysplastic syndromes: a randomised, open-label, phase III study. The Lancet. Oncology, 10(3), 223–232. https://doi.org/10.1016/S1470-2045(09)70003-8.
  5. Ng, S. W. K., Mitchell, A., Kennedy, J. A., Chen, et al. (2016). A 17-gene stemness score for rapid determination of risk in acute leukaemia. Nature, 540(7633), 433–437. https://doi.org/10.1038/NATURE20598.
  6.  6 – Angelucci, E., Li, J., Greenberg, P.,  et al. (2020). Iron Chelation in Transfusion-Dependent Patients With Low- to Intermediate-1-Risk Myelodysplastic Syndromes: A Randomized Trial. Annals of Internal Medicine, 172(8), 513–522. https://doi.org/10.7326/M19-0916.

Auteur/autrice

  • Emmanuel GYAN

    Hématologue, PU-PH.
    Expertises : syndromes myélodysplasiques, lymphomes. Membre du GFM, FILO, EHA, LYSA et ASH.
    Liens d'intérêts : Abbvie, BMS, Novartis.
    Correspondance : CHU de Tours Service d’hématologie et thérapie cellulaire 2 boulevard Tonnellé, 37044 Tours Cedex.
    emmanuel.gyan@univ-tours.fr

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