Actualités sur le Myélome Multiple et l’Amylose AL à l’ASH 2022

Publié le : 2 janvier 2024

Sous les couleurs de la Louisiane, cet ASH 2022 a pris les accents du sud avec un rythme des sessions en apparence « moins soutenu ».
Concernant le myélome multiple (MM), les sessions orales cliniques ou biologiques se sont concentrées sur les immunothérapies «engagées»
ou cellulaires, leurs principales complications et la recherche de marqueurs prédictifs de réponse. Concernant le traitement de 1ère ligne, l’avenir sur tourne vers les traitements à 3 ou 4 drogues adaptés au risque et à la réponse, avec un focus sur les sujets de haut risque intensifiables, les sujets fragiles nécessitant une limitation des toxicités et des traitements à durée limitée selon la profondeur de la réponse, la Maladie Résiduelle (MRD) et surtout sa durabilité.

Dépister, étudier, protéger… Ce que nous apprennent les nordiques(1)

L’étude prospective islandaise ISTopMM a recruté 80 759 volontaires dans la population générale de plus de 40 ans ; 75 422 ont été prélevés à la recherche d’une gammapathie monoclonale (immuno-électrophorèse des protides sériques et dosage de chaines légères libres). Au total, 3 725 gammapathies ont été recensées (5%) dont 28 MM avérés et 237 MGUS connus ; le pourcentage pour les patients de plus de 50 ans était de 5%. La majorité de ces patients avaient l’isotype IgG et étaient considérés comme ayant un faible risque évolutif. La prévalence des patients avec myélome indolent (SMM) était quant à elle estimée à 0.5%, augmentant avec l’âge en fonction du sexe. 

Lors d’une session orale, E. Eythorsson (#107) rapporte un modèle décisionnel, permettant d’identifier les patients justifiant une évaluation médullaire, basé sur des données de routine : isotype, taux du composant monoclonal, ratio des chaines légères et dosage pondéral des immunoglobulines. Au total, 1 013 participants avec gammapathie et évaluation médullaire ont été inclus ici : seuls 160 participants avaient un SMM sur l’évaluation médullaire ; à noter que la majorité des participants avaient un composant monoclonal <5g/l, en médiane 2.59 g/l (IQR 1.61-4.68). 

Grace au modèle, l’examen de moelle pourrait être évité chez 366 participants (36.1%). Le coefficient de concordance est à 0,6% (figure 1) et avec un seuil prédictif à 5%, la VPN était de 97.3%. Un lien est mis à disposition pour calculer le risque individuel d’avoir ≥ 10% de plasmocytes et ainsi réaliser ou non l’évaluation médullaire : https://istopmm.com/riskmodel/

Figure 1 : concordance entre la probabilité prédite et la probabilité observée d’avoir une infiltation plasmocytaire médullaire supérieure ou égale à 10%.

Une fois dépistés, faut-il et comment traiter les patients avec un myélome indolent ?

Les patients atteints de SMM de haut risque (risque évolutif >50% dans les 2 ans) pourraient bénéficier d’un traitement précoce.  

GEM-CESAR est un essai de phase 2 évaluant une induction par carfilzomib, lénalidomide et dexaméthasone (KRd) suivie d’une intensification puis consolidation par KRd et Rd pour les SMM de haut risque et très haut risque en maintenance. L’analyse post-hoc présentée ici (#118) a évalué l’impact d’une MRD indétectable et surtout durable sur le risque de progression en MM avéré. Avec 70 mois de suivi, 70/90 patients ont terminé 2 ans de maintenance, 5 patients ont progressé en myélome cliniquement symptomatique (3 décès) et 34 ont eu une évolution biochimique ;
le temps jusqu’à progression biochimique était estimé à 62% à 70 mois. La présence de critères SLIM (très haut risque évolutif) et/ou d’une MRD détectable à la fin de la maintenance, étaient prédictives d’une progression en MM avéré. A contrario, une MRD indétectable après la maintenance et maintenue à 4 ans étaient de bon pronostic.

Traitement de première ligne

En cas de myélome symptomatique, le traitement de première ligne repose sur le socle anticorps anti CD38, inhibiteur du protéasome (IP), immunomodulateur (IMiDs®) et dexaméthasone +/- intensification par melphalan 200 si sujet éligible, puis entretien par lénalidomide. 

Avec des réponses de plus en plus profondes, l’intérêt de l’intensification en première ligne se pose de nouveau, pour les patients de risque standard (SR) avec MRD indétectable après l’induction, comme dans le protocole IFM en cours MIDAS et le protocole américain MASTER 2. Dans la même lignée, K. Young (#762) a présenté l’essai Anglais en cours RADAR (UK-MRA Myeloma XV) incorporant l’évaluation de la MRD comme outil décisionnel pour adapter le traitement des patients de novo intensifiables. Trois questions sont posées : peut-on arrêter la maintenance chez les patients de risque standard, si MRD indétectable et durable (12 mois) post intensification ? Peut-on approfondir la réponse pour les patients avec SR en MRD toujours détectable en intensifiant la consolidation ? Quel est le meilleur programme incorporant l’isatuximab pour les patients d’ultra-haut risque (HR) ? Au total 1 400 patients sont prévus et à ce jour, 241 ont été enregistrés.

Sujets jeunes de haut risque (t(4;14), t(14;16), del(17p) et/ou gain 1q)

K. Weisel (#759) rapporte la version allemande GMMG-CONCEPT de l’induction/consolidation du protocole MIDAS par isatuximab, carfilzomib, lénalidomide et dexaméthasone (Isa-KRd). Cette étude de phase 2 a inclus 153 patients pour recevoir 12 cycles d’Isa-KRD ou 6 cycles en induction, suivi d’un melphalan 200 avec autogreffe et puis 4 cycles en consolidation avant un entretien par Isa-KR. Le critère principal est le taux de MRD indétectable après consolidation (en NGS, à 10-5). Dans cette analyse intermédiaire, 125 patients ont été retenus. Concernant le bras A intensification, 97/99 patients ont débuté l’induction, 69 ont reçu le Mel 200, 82 ont débuté la consolidation et 73 sont en maintenance. Au total, 11 patients ont progressé et 5 sont décédés. En ITT, 68% des patients avaient une MRD indétectable post-consolidation (54% chez les patients du bras B sans greffe) et 73% étaient en RC ou mieux. La tolérance était correcte avec peu d’événements cardiovasculaires cliniquement significatifs ; seuls 5 patients ont arrêté le traitement pour toxicité. À noter, 6 patients n’ont pas pu être intensifiés du fait d’un échec de collecte de CSP.

Sujets non intensifiables et/ou fragiles :

Les présentations se sont concentrées sur la qualité de vie (#472), la réévaluation au fil du temps des fragilités et la limitation des toxicités. S. Manier (#569) a rapporté pour l’IFM les données du protocole 2017-03, comparant une épargne cortisonée dans le bras daratumumab, lénalidomide (Dara-R) vs. un traitement « standard » pour la période d’inclusion de l’essai par lénalidomide, dexaméthasone (Rd)… Cela fera l’objet d’un focus dédié.

Traitement d’entretien : peut-on moduler la durée et limiter les risques?

Le lénalidomide est validé depuis plusieurs années en entretien mais pour quelle durée ? Après les données récentes de l’essai (IFM)/DFCI(2), l’IFM propose une durée de 3 ans de lénalidomide (sans daratumumab). 

L’étude Myeloma XI(3) confirme le bénéfice continu de la maintenance post-intensification par lénalidomide après 2 ans chez plus de 1 200 patients en fonction de la MRD et tente de déterminer dans une étude Landmark (#570) les durées adaptées au risque et à la réponse (focus Myeloma XI). 

Dans ce contexte de maintenance, les tumeurs malignes secondaires (SPM) restent une préoccupation avec le traitement par lénalidomide au long cours. Dans le suivi à long terme de l’essai Myeloma XI (#754), l’incidence cumulée de SPM à 7 ans était de 12% pour les patients recevant un traitement d’entretien post autogreffe (principalement hématologiques type MDS/LAM et cutanés non-mélanome) vs. 6% pour ceux en surveillance simple, et de 17% vs. 10% pour les patients non intensifiés. La double exposition au lénalidomide (pendant l’induction/consolidation et l’entretien) est associée à une incidence plus élevée de SPM, surtout chez les patients non éligibles à la greffe. Le bénéfice du lénalidomide cependant en termes de PFS balance largement le risque de SPM (figure 2).

Figure 2 : A – Greffe, B- Sans greffe.

Figure 2 : A – Greffe, B- Sans greffe.

Comment suivre séquentiellement la MRD en dehors de la Moelle ? Spectrométrie de masse et BloodFlow

La maladie résiduelle est un facteur pronostique majeur dans le myélome, surtout si elle est maintenue. La répétition des myélogrammes (invasifs) et l’hétérogénéité spatiale de la pathologie justifient une évaluation morphologique par TEP scanner ou IRM de diffusion, et de développer des outils sanguins équivalent de «biopsies liquides ». L’évaluation de la MRD dans le sang par la recherche de cellules tumorales circulantes, n’est malheureusement pas validée avec une valeur prédictive négative (VPN) inférieure à 70 % du fait d’une masse tumorale sanguine inférieure d’environ 2 log à celle de la moelle.

N. Puig (#866) a rapporté les données de l’essai Espagnol de phase 3 GEM2014MAIN comparant la spectrométrie de masse (MS) sanguine à la cytométrie de flux (NGF) médullaire. Les patients étaient évalués de façon annuelle dans la moelle en NGF ;
les patients en MRD indétectable à 2 ans arrêtaient la maintenance (avec un faible risque de rechute(4)). Dans le même temps, le composant monoclonal était évalué dans le sang en immunofixation (IF) et par MS. À 2 ans de maintenance, une MRD était détectée chez 11% des patients en IF, 24% en MS dans le sang et 29% en NGF dans la moelle. Le taux de concordance était de 85% avec une VPP de 78% et une VPN de 87%. À noter, parmi les 8 patients positifs en MS mais indétectables en NGF, 5 avaient un plasmocytome au diagnostic. 

En termes de PFS, l’impact clinique d’une MS négative à 2 ans et persistante était superposable à celui d’une NGF indétectable.

Toujours dans l’essai GEM2014MAIN, la MRD était également analysée dans le sang en cytométrie de flux (CMF) sur cellules triées, le BloodFLow (#865). Pour augmenter la sensibilité dans le sang à 10-7, il faut pouvoir analyser au moins 2×108 cellules, soit environ 50 mL de sang. Au total, 353 échantillons ont été analysés dans les 2 techniques de CMF : 19 échantillons étaient positifs en BloodFlow alors que négatifs en NGF « classique », le seuil le plus faible de détection était de 6×10-8. Afin de valider les VP du BloodFlow par rapport à la NGF moelle, 199 paires d’échantillons ont été analysées : la concordance était de 78.5% avec 20.5% des patients négatifs dans le sang alors que positifs dans la moelle. Cette technique permettra ainsi un suivi régulier de la MRD en phase de maintenance (les faux négatifs étaient plus fréquents en induction et post intensification).

Traitements de rechute : vers une immunothérapie « engagée » accessible pour tous ? 

Les choix se complexifient et les patients sont déjà exposés voire réfractaires à la fois aux IMiDs®, IP et anticorps anti-CD38. L’immunothérapie anti-BCMA a maintenant une place bien ancrée grâce aux traitements par CAR T cells et les anticorps bispécifiques utilisés seuls ou potentiellement en association. 

En conséquence, une session orale entière fut consacrée aux bispécifiques. Le teclistamab est le premier anticorps bispécifique anti BCMAxCD3 approuvé pour les patients atteints de MM en rechute/réfractaire en fin 2022. Il est maintenant disponible en accès précoce dans tous les centres disposant de tocilizumab. Nous avons eu également accès à l’elranatamab.

Et les derniers arrivés anti-BCMA sont : alnuctamab, ABBV-383 et ISB 2001 (tableau 1)

L’alnuctamab ou ALNUC (BMS-986349) est un bispécifique avec 2 cibles BCMA. S. Wong (#162) a présenté des résultats préliminaires de la phase 1, avec un anticorps délivré maintenant en SC (la forme IV était associée à pratiquement 90% de CRS dont 5% de grade 3/4). Le schéma d’administration de l’ALNUC en SC est identique à celui du teclistamab. P. Vorhees (# 1919) quant à lui rapporte en poster les données de phase 1 de tolérance et d’efficacité de l’ABBV-383, un anticorps avec un double domaine de fixation sur BCMA, un domaine liant CD3 et un FC de faible affinité permettant de diminuer sa clearance (administration toutes les 3 semaines) et les risques de syndrome de relargage cytokinique (pas de ramp-up). À ce jour, 174 patients ont été traités aux doses de 40 et 60 mg avec un taux de réponse global de 56% et 42% de ≥VGPR. La PFS médiane est à 9.7 mois avec une durée médiane de réponse à 19.4 mois.

L’ISB 2001 est un anticorps monoclonal trispécifique BCMA/CD38 et CD3 (#353) avec là encore un FC silencieux qui supprime les interactions via le FcγR. La phase 1 débutera prochainement.

Quelles autres cibles ?

Au-delà du BCMA, d’autres cibles sont explorées :
le GPRC5D et le FcRH5. Le GPRC5D est un récepteur transmembranaire couplé aux protéines G dont l’expression est limitée aux plasmocytes et aux follicules pileux dans les tissus normaux. C’est une cible idéale après exposition aux différents traitements anti- BCMA voire même en association avec ces derniers. Le FcRH5 est le récepteur homologue 5 du fragment Fc des immunoglobulines. Il est exprimé sur tous les plasmocytes tumoraux et normaux, mais aussi sur les lymphocytes B.

Avec une publication dans le NEJM le jour même de la session orale(5) et un enregistrement très prochain à la FDA, le talquetamab, anticorps IgG4 duobody® anti-GPRC5DxCD3 a pris la tête de cette session dédiée aux immunothérapies «engagées» (tableau 1). Le talquetamab s’administre SC, toutes les 1 à 2 semaines après une initiation à doses croissantes (doses retenues 0,4 mg/Kg en hebdomadaire et 0,8 mg/Kg tous les 15 jours) et nous y consacrerons un encart spécifique. Il faut retenir une excellente efficacité, même chez des patients ayant reçu des traitements anti-BCMA et une toxicité principalement cutanéo-muqueuse et pileuse. Le forimtamig ou RG6234, quant à lui, est un autre anticorps bispécifique anti GPRC5DxCD3 mais avec une nouvelle configuration 2:1 et des données d’efficacité encourageantes.
C. Carlo-Stella (#161) a rapporté les données d’escalade de dose du forimtamig délivré initialement IV et à présent SC.

Concernant le cévostamab (anti FCRH5xCD3), l’essai de phase 1 est en cours. L’administration est intraveineuse mais elle présente l’avantage d’être toutes les 3 semaines et pour une durée fixe de 17 cycles. Concernant le profil de tolérance, S. Trudel (#567) a rapporté l’utilisation préventive de tocilizumab (anti-signal IL6), avant la première dose, pour diminuer l’incidence du CRS qui est très fréquente mais, cependant de faible intensité avec les bispécifiques. Dans un bras dédié, 31 patients ont reçu 8 mg/kg de
tocilizumab 2h avant la première administration de cévostamab. On observe comme attendu moins de CRS chez ces patients (39% vs. 91%) mais davantage de neutropénies de grade 4 (toxicité connue du tocilizumab). Les réponses sont conservées avec 55% de répondeurs et 32% de ≥VGPR.   

Des associations sont en cours avec le daratumumab pour le teclistamab (MajesTEC-3 ;
MajesTEC-2 avec lénamidomide, #160) et le talquetamab, des études précliniques ayant montré que le daratumumab favorise l’expansion des effecteurs cellulaires.

Quelques nouvelles (des) thérapies cellulaires ?  

L’utilisation des cellules CAR T dans le MM est récente et malgré un accès précoce obtenu en 2021, peu de patients en France peuvent encore y prétendre. La cible privilégiée des CAR T cells reste le BCMA et 2 produits sont
« disponibles » : l’idecabtagene vicleucel et le ciltacabtagene autoleucel. Les essais de phase 3 (essais KarMMA-3 et CARTITUDE-4) seront bientôt finalisés. Le laboratoire BMS a d’ailleurs annoncé en fin d’été que l’objectif principal de PFS était atteint dans une analyse intermédiaire pré-spécifiée de KarMMA-3. 

Des essais en première rechute ?

La présence de caractéristiques de haut risque est associée à un mauvais pronostic et à une rechute précoce dans les 12 mois suivant l’intensification avec une SG médiane à 26 mois.

L’analyse actuelle (#361) de l’essai multi cohorte BMS KarMMa-2, porte sur 37 patients de la cohorte 2a, destinée aux patients progressifs dans les 18 mois. Avec un suivi médian de 21.5 mois, 84% de patients sont répondeurs et 46% en RC ou mieux. La PFS médiane est à 11.4 mois avec une durée médiane de réponse de 15.7 mois. Pratiquement 85% des patients sont en vie à 2 ans. D’autres essais de CAR T cells en première rechute et même en première ligne sont en cours. 

Vers des CAR T cells de nouvelle génération et de nouvelles cibles ?

Les données des essais de phase 1 de 3 nouveaux CAR T cells ont été rapportées cette année : un agent de nouvelle génération ciblant BCMA (BMS-986354), un agent ciblant le GPRC5D (BMS-986393) et un agent à double ciblage BCMA/CD19 × CD3 (GC012F). 

Le CAR BCMA NEX-T (#566), nouvelle génération, a un temps de fabrication raccourci par rapport aux CAR T cells « classiques » d’environs 5 jours. En comparaison avec son « parent » duquel il est issu, l’orvacabtagene autoleucel, il a une capacité de prolifération 10 fois supérieure avec une persistance prolongée, les cellules étant moins différenciées, composées principalement de cellules « naïves » et de cellules mémoires. Au total, 65 patients en rechute/réfractaires ont reçu le BMS-986354 avec 81.5% de CRS (MM R/R) et une neurotoxicité  (9.2%) de grade1/2, transitoires (2 jours en médiane). On observe 51% de neutropénie grade 3/4 et 37% de thrombopénie. En termes de réponse, 95% des patients sont répondeurs dont 39%  ≥RC et 23% de VGPR. Avec un suivi médian de 9 mois, 38/61 patients sont en réponse persistante. 

Le CAR T GPRC5D (#364) a quant à lui été testé chez des patients atteints de MM R/R avec cytogénétique à haut risque, une maladie extramédullaire ou une maladie penta-réfractaire et ayant déjà été exposés aux anti BCMA. On observe un taux de réponse global de 86 % avec comme avec le talquetamab, une dysgueusie et des troubles de la peau et des phanères. 

Le CART BCMA/CD19 ou GC012F (#366) a été évalué chez 17 patients de novo de haut risque après 2 cycles de VRd. Là aussi il s’agit d’un CAR à temps raccourci de production (FasT, 22 à 26 heures). Les taux de réponse sont de 100% !!!!

Quid de « nouvelles » molécules plus classiques ? Accueillons le dernier né des agents CELMoDs : mezigdomide

Le mezigdomide (MEZI) est un modulateur de l’activité enzymatique de la cereblon CRNB E3 ligase qui augmente la dégradation de protéines cibles via le protéasome et module l’immunité anti tumorale. L’étude CC-92480 MM-001 est un essai de phase 1b/2a évaluant la tolérance et l’efficacité du MEZI± dexaméthasone en rechute ou réfractaire après au moins 3 lignes de traitement. La dose recommandée pour la phase 2 a été fixée à 1 mg en combinaison avec la dexaméthasone (20 ou 40 mg selon l’âge). L’analyse actuelle (#568) a porté sur 101 patients inclus dans la cohorte d’extension de dose du MEZI. Tous étaient triple classe-réfractaires (IP, IMiDs® et anti-CD38) et 30 % avaient déjà reçu un traitement ciblant le BCMA. En termes d’efficacité, les taux de réponse globale sont intéressants avec pratiquement 41% d’ORR en combinaison avec la dex, et 50% chez les 30 patients ayant déjà reçu des traitements ciblant les BCMA. Les réponses semblent par contre moins bonnes chez les patients avec plasmocytomes (30%). Avec un suivi médian de 7.5 mois, la médiane de PFS est à 4.4 mois, la durée de réponse médiane à 7.6 mois. La majorité des patients a stoppé le traitement pour progression (n=61),  puis 6 pour effets indésirables, 5 pour décès toxique infectieux (2 pneumocystoses, 1 pneumopathie, 1 choc septique et 1 COVID). On note essentiellement des cytopénies (53.5% de neutropénie grade 4)
et 35% d’infections de grade 3-4. On retrouvait par ailleurs des effets secondaires plus classiques avec fatigue, diarrhée, constipation, dyspnée, arthralgies mais généralement de grade 1/2.

Le MEZI sera à l’étude en association dans 2 essais de phase 3, prochainement ouverts, soit avec le bortézomib, soit le carfilzomib plus dexaméthasone chez les patients atteints de MM R/R (SUCCESSOR-1 vs. PVd et SUCCESSOR-2 vs. Kd)

Le retour de l’interféron (IFN) dans le myélome ?

Le modakafusp alfa (MODA) est le premier activateur de l’immunité innée via une signalisation nouvelle génération de l’IFN. Le MODA comprend 2 molécules d’IFN alpha 2b génétiquement fusionnées à la partie Fc d’un anticorps monoclonal humanisé IgG4 anti-CD38. Les molécules d’IFN sont atténuées avec une affinité de fixation diminuée à leur récepteur, permettant ainsi une meilleure libération aux cellules CD38+ et une diminution des effets off target. 

D. Vogl (#565) rapporte les données d’une étude de phase 1/2 chez 100 patients ayant reçu au moins 3 lignes de traitement, réfractaires ou intolérants aux IP ou IMiDs®, avec un wash-out de 90 jours post anti-CD38. La majorité des patients étaient triples-réfractaires dont certains aux anti-CD38, et pratiquement la moitié avait été exposée aux anti-BCMA. La dose maximale tolérée était de 3mg/kg toutes les 4 semaines et la dose retenue pour la phase 2 était de 1.5 mg/kg/mois (n=30). Les toxicités étaient comme attendues principalement hématologiques avec 73% de neutropénie et thrombopénie (46% neutropénie grade 3/4 et 66 % thrombopénie 3/4), 60% anémie, 37% de lymphopénie ; 4 patients ont présenté une pneumopathie de grade 3. Pas de symptômes neuropsychiatriques ni syndrome pseudo grippal. Le taux de réponse global est 43% dont 30% de ≥VGPR, même chez les patients réfractaires aux anti-CD38 (ORR : 39%). Selon l’exposition aux anti-BCMA, on observe 60% de répondeurs chez les non exposés (vs. 27%) avec 47 % de ≥VGPR. Avec un suivi médian de 5.3 mois, la PFS médiane était de 5.7 mois avec une durée médiane de réponse de 12.5 mois.

Pour clore ce condensé ASH 2022, quelques actualités dans l’amylose AL 

La drogue incontournable en dehors du daratumumab sera indéniablement le vénétoclax (#4531) et nous attendons avec impatience les essais pour le valider. Cependant, l’enjeu de taille dans cette pathologie potentiellement gravissime, est de « sauver » les patients avec une atteinte cardiaque avancée stade 3b ou 4 des classifications de la Mayo Clinic. Les essais de phase 3 utilisant les anticorps anti-« dépôts » chez ces patients, le birtamimab et le CAEL-101, sont en cours en association avec le socle Dara-VCd.

Tableau 1 : de nouvelles immunothérapies.

Dr Murielle ROUSSEL, Limoges.

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