CC-486 : la maintenance dans la LAM ?

Publié le : 22 janvier 2020Tags: ,

Résultats de l’essai de maintenance QUAZAR AML-001, une étude de phase 3, internationale, randomisée, en double aveugle, contre placebo, du CC-486 chez des patients atteins de LAM en 1ère rémission.
The QUAZAR AML-001 maintenace trial : results of a phase III international, randomized, double blind, placebo controlled study of CC-486 in patients with acute myeloid leukemia en 1ère rémission.
D’après la communication orale de Wei AH. et al, Late Breaking abstract #03. ASH 2019.
 

Contexte de l’étude

La question de la maintenance dans la leucémie aiguë myéloïde est un débat de longue date et qui jusqu’à présent n’avais jamais démontré de manière formelle de bénéfice en termes de survie globale (OS)(1,2). Chez les sujets jeunes, de récentes données suggèrent que la maintenance par inhibiteurs de tyrosine kinase, tels que la midostaurine ou le sorafénib permettrait d’améliorer la survie sans rechute voire la survie globale (pour la midostaurine uniquement). Chez le sujet âgé de plus de 60 ans, une étude de phase 3 du HOVON (HOVON97) a évalué l’impact de la maintenance par azacitidine (N=116) après obtention d’une rémission complète (RC) post-chimiothérapie intensive. La survie sans maladie à 12 mois était de 64% contre 42% dans le bras sans maintenance (p<0.05). En revanche, il ne fut pas retrouvé de bénéfice en termes de survie globale, même si une tendance semblait se dessiner en faveur de l’azacitidine après censure à la greffe(3). Le CC-486, est un agent hypométhylant oral dérivé de l’azacitidine, qui se distingue des HMA injectables par des caractéristiques PK/PD différentes. Comparativement aux agents hypométhylants (HMA) injectables, le CC-486 permet d’induire une déméthylation plus prolongée (administration J1-J21, cycle 28 jours) dans le temps et a démontré son activité en monothérapie dans un certain nombre d’hémopathies et notamment la LAM et le syndrome myélodysplasique (SMD) (33% ORR SMD/LMMC et 22% LAM). Concernant la tolérance, des neutropénies fébriles ne furent observées que chez 10-15% des patients avec une mortalité précoce inférieure à 10%, ce qui reste comparable à ce qui est classiquement observé chez des patients traités par HMA(4).

Objectifs de l’étude 

Il s’agit d’une étude de phase 3 multicentrique, randomisée en double aveugle, contre placebo, cherchant à évaluer l’efficacité d’une maintenance par CC-486 en monothérapie, chez des patients âgés de plus de 55 ans en 1ère rémission complète après chimiothérapie intensive (« 3+7 » based). Les critères d’inclusion ainsi que le schéma de l’étude sont résumés dans la figure 1. Les patients pré-randomisés devaient recevoir au moins une cure d’induction et être en RC/RCi. L’objectif principal de l’étude était d’évaluer la supériorité du CC-486 sur la survie globale, avec comme postulat pré-test un bénéfice de 7 mois et un HR de 0.70. Sur les 555 patients « screenés », 472 furent randomisés (n=238 pour le CC-486, et n=234 pour le placebo).
Figure 1 : schéma de l’étude.

Résultats de l’étude 

L’âge médian était de 68 ans (55 à 86 ans). Au total, 91% des patients avaient une LAM de novo. En termes de groupes de risque, 86% et 14% des patients avaient un caryotype intermédiaire et défavorable respectivement. Au décours de l’induction, 81% des malades obtinrent une rémission complète (RC) dont 19% une RCi. Une grande majorité d’entre eux (80%) reçurent une chimiothérapie de consolidation (45% :  1 cycle de consolidation et 31% : 2 cycles de consolidation). Après un suivi médian de 41,2 mois, la survie globale (OS) était significativement supérieure dans le bras CC-486 comparativement au placebo (PBO). L’OS médiane était de 24,7 mois contre 14,8 (p=0,0009; HR 0,69) respectivement (figure 2).

Figure 2 : survie globale depuis la randomisation.

Figure 2 : survie globale depuis la randomisation.

La survie sans rechute (RFS) était également significativement prolongée avec une RFS médiane de 10,2 mois dans le bras CC-486 contre 4,8 mois dans le bras PBO (p=0,0001 ; HR 0,65). Les bénéfices du CC-486 sur la survie étaient indépendant du risque cytogénétique de base, du nombre de cycles de consolidation antérieurs reçus et du statut RC/RCi (figure 3).
Figure 2 : survie globale depuis la randomisation.

Figure 3 : analyse en sous-groupes des variables influençant la survie globale.

Concernant la qualité de vie (évaluée par le score HRQoL), le CC-486 n’a pas eu d’impact négatif sur la qualité de vie globale par rapport au PBO. Le CC-486 avait un profil de sécurité acceptable, proche de celui observé avec l’azacitidine injectable. L’exposition médiane au CC-486 était de 12 cycles (1 à 80). Les événements indésirables (EI) les plus fréquemment rapportés étaient des événements gastro-intestinaux de grade 1 ou 2, notamment des nausées (64% et 23%, respectivement), des vomissements (59% et 10%) et des diarrhées (49% et 21%). Les EI de grade 3-4 les plus courant avec le CC-486 étaient la neutropénie (CC-486, 41%; PBO, 24%), la thrombocytopénie (23% et 22%) et l’anémie (14% et 13%). Les EI graves étaient peu fréquents, principalement des infections, survenant chez 17% des patients du groupe CC-486 contre 8% des patients du groupe PBO. Peu d’EI conduirent à l’arrêt du CC-486, le plus souvent des événements gastro-
intestinaux (CC-486, 5%; PBO, 0,4%). 

Quels impacts sur les connaissances et les pratiques cliniques ?

Le CC-486 est l’une des premières molécules chez le sujet âgé montrant à la fois un bénéfice en termes de PFS et d’OS, et ce, quel que soit le groupe de risque, et permet ainsi de doubler la probabilité de survie médiane dans un population chez qui les possibilités thérapeutiques de rattrapage sont réduites. En effet, chez les patients de plus de 60-65 ans, la RC ne rime pas systématiquement avec survie globale prolongée. Un des grands débats actuels est celui de l’intérêt de la chimiothérapie intensive en l’absence de projet d’allogreffe comparativement à des schémas semi-intensifs (i.e. LDAC, azacitidine), compte-tenu du fait que la survie globale ne semble pas différer entre ces différentes stratégies. Cependant, aucun essai randomisé n’a formellement répondu à cette question. L’arrivée de ce produit pourrait considérablement modifier la prise en charge des patients dits « fit » pour une chimiothérapie intensive en retardant la survenue de la rechute, plus particulièrement chez ceux ayant un caryotype défavorable. Pour les patients d’emblée non éligibles à une chimiothérapie intensive, le CC-486 pourrait également trouver rapidement sa place, du fait de son caractère pratique et des résultats préliminaires encourageants, si tant est que ce dernier fasse preuve au moins de non infériorité face à l’azacitidine ou même de la cytarabine sous cutanée en 1ère ligne.  Concernant les agents hypométhylants, ces derniers se sont révélés particulièrements intéressant en combinaison avec des thérapies ciblées tels que le vénétoclax ou les inhibiteurs d’IDH, et plus particulièrement en 1ère ligne(5, 6). Il y a donc fort à penser que compte-tenu de ces résultats, il est fort probable que le CC-486 soit rapidement associé à d’autres molécules; soit en maintenance, soit directement en 1ère ligne ou rechute/réfractaire. Enfin, un essai de phase 3 en double aveugle contre placebo vient d’ouvrir afin d’évaluer l’efficacité du CC-486 dans la maintenance post-allogreffe (NCT04173533).
 
Références
Löwenberg B,  Suciu S,  Archimbaud E, et al.  Mitoxantrone versus daunorubicin in induction consolidation  chemotherapy  – The value of low-dose  cytarabine for maintenance of remission, and an assessment of prognostic factors in acute myeloid leukemia in the  elderly: Final report of the Leukemia Cooperative Group of the European Organization for the Research and Treatment of Cancer and the Dutch-Belgian Hemato-Oncology Cooperative  Hovon Group Randomized Phase III Study AML-9. J Clin Oncol 1998; 1 6:872 -8 81.
Baer MR, George SL, Caligiuri MA, et al. Low-dose interleukin-2 immunotherapy does not improve outcome of patients age 60 years and older with acute myeloid leukemia in first complete remission: Cancer and Leukemia Group B Study 9720. J Clin Oncol 2008; 26(30):4934-9. 
Huls G, Chitu DA, Havelange V et al. Azacitidine maintenance after intensive chemotherapy improves DFS in older AML patients. Blood 2019; 133(13):1457-1464. 
Savona MR, Kolibaba K, Conkling P, et al. Extended dosing with CC-486 (oral azacitidine) in patients with myeloid malignancies. Am J Hematol 2018; 93(10):1199-1206. 
DiNardo CD1 Pratz K, Pullarkat V, et al. Venetoclax combined with decitabine or azacitidine in treatment-naive, elderly patients with acute myeloid leukemia. Blood 2019; 133(1):7-17. doi: 10.1182/blood-2018-08-868752. 
Watts JM, Baer MR, Yang J, et al. Olutasidenib (FT-2102), an IDH1m Inhibitor As a Single Agent or in Combination with Azacitidine, Induces Deep Clinical Responses with Mutation Clearance in Patients with Acute Myeloid Leukemia Treated in a Phase 1 Dose Escalation and Expansion Study. Abstract 231. American Society of Hematology Congress 2019.
 
Critique méthodologique
Cet essai de phase 3 multicentrique randomisé en groupes parallèles en double aveugle a inclus 472 patients.
La randomisation était stratifiée sur 4 facteurs : l’âge et le risque cytogénétique et 2 facteurs en oui/non (Prior MDS/CMML et consolidation). Toutes les analyses sont bien stratifiées sur ces 4 facteurs. Sauf peut-être figure 3 où celà n’est pas précisé. Il est même écrit “Overall (Unstratified)”. Si ce n’est pas le cas, il y a un problème de cohérence entre la randomisation stratifiée et l’analyse non stratifiée. Si c’est le cas, il serait intéressant de comparer ce qui est comparable et de rajouter “Overall (Stratified)”. De même, il n’est pas expliqué le choix d’une analyse en sous-groupes plutôt qu’un modèle mutivarié, ou du moins si on laisse ces HR bruts, il serait intéressant de rajouter une colonne avec des HR ajustés à partir du modèle le plus explicatif.

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