LEUCÉMIES AIGUËS : VERS UNE SORTIE DU DÉSERT

Publié le : 15 juillet 2019Tags: ,

Cette nouvelle édition 2018 du congrès de l’ASH a été sans nul doute celle des avancées de la médecine personnalisée et des nouvelles théra- pies. Dans le domaine des leucémies aiguës myéloïdes, plusieurs essais sont venus enrichir l’arsenal thérapeutique dans le traitement du sujet âgé avec surtout l’arrivée du vénétoclax dans la LAM en association à la cytarabine ou les agents déméthylants, très récemment approuvés par la FDA. Il fut très difficile de choisir les différents abstracts et sessions tant le programme était riche et varié.
Pour les LAM, la plus grande avancée est sans doute la présentation des résultats préliminaires de l’étude BEAT AML, une étude de faisabilité phase 1⁄2 d’un traitement ciblé sur le profil moléculaire des patients (abstract #559). Les investigateurs ont démontré la faisabilité d’un screening moléculaire avant le démarrage du traitement : un traitement précis «à la carte». C’est l’aboutissement de dizaines d’années de recherche dans la compréhension génétique et moléculaire des LAM. Ainsi, les patients de 60 ans ou plus ont été inclus avec un rendu du «profil muta- tionnel» dans les 7 jours. L’essai a démarré en 2016 et comptait initialement 3 traitements innovants mais en compte à l’heure actuelle 11 (tableau 1). Parmi les 210 patients inclus, 110 ont été traités dans l’étude et ce traitement a été assigné dans les 7 jours pour 95% des patients ce qui démontre la faisabilité de la médecine personnalisée. Cent patients n’ont pas été traités dans une des sous études pour diverses raisons : 7 décès dans les 7 premiers jours, 12 traitements alternatifs démarrés précocement avant l’assignement à un des traitements de l’étude, 81 autres traitements décidés après l’assignement à un des traitements de l’étude. Une des sous étude les plus avancées concernait les LAM avec mutations d’IDH2 et a également été présentée par E. Stein (abstract #287). Les patients recevaient l’enasidenib 100mg/j jusqu’à progression si ils obtenaient une RC/RCi après 4 cycles maximum. Dans le cas contraire, l’azacitidine était ajouté à l’enasidenib. Parmi les 27 malades traités, 44.4% ont obtenus une RC ou RCi, ce qui confirme les résultats des études précédentes en situation de rechute. La décitabine bien que moins utilisée en Europe, a suscité un engouement depuis la publication de taux de réponse très impressionnant dans la population de LAM avec mutation de TP53 (Welsh JS NEJM 2016). Les investigateurs du MDACC ont randomisé 5 jours versus 10 jours de décitabine chez des patients âgés atteints de LAM et inéligibles à un traitement intensif (abstract #84).

Tableau 1 : traitements proposés en fonction des anomalies moléculaires et génétiques des patients atteints de LAM de plus de 60 ans.
L’objectif principal était un critère composite (CR+CRp+CRi). Après 40 patients randomisés de façon égale entre le bras DAC 5 jours et le bras DAC 10 jours, la randomisation était ensuite adaptative selon un algorithme favorisant le bras donnant le meilleur taux de réponse. Les patients avaient une médiane d’âge de 77 et 78 ans dans le bras DAC 5j (n=28) et le bras DAC 10j (n=43). Après une médiane de suivi de 38 mois, aucune différence n’a été notée entre les 2 bras avec des taux de CR+CRp+CRi de 43 et 40%, respectivement. La médiane de survie est d’environ 6 mois dans les 2 bras et il n’a pas été observé d’avantage dans les sous groupes génétiques ou moléculaires notamment le groupe avec mutation de TP53. Deux études prospectives avec les inhibiteurs de Flt3 en post allogreffe ont également été présentées, ce qui sera utile aux allogreffeurs que nous sommes. L’étude SORMAIN (abstract #661) est une étude randomisée en double aveugle chez les patients de plus de 18 ans allogreffés pour une LAM Flt3 mutée. Le sorafénib ou placebo était débuté entre J30 et J100 à 200mgx2 par jour pouvant être secondairement augmenté à 400 mg x2 par jour pendant 24 mois. À noter que pour les patients en rechute, l’utilisation du sorafénib était possible. Le critère de jugement principal était
la survie sans rechute. L’étude a été conduite entre 2010 et 2016 et a inclus 83 patients avec une médiane d’âge de 54 ans. Avec une médiane de suivi de 42 mois, la médiane de survie sans rechute était de 30.9 mois dans le groupe placebo et non atteinte dans le bras sorafénib, soit une survie sans rechute à 2 ans de 53.3% (95% CI 36.5-67.5) pour le groupe placebo versus 85.0 % (69.5- 93.0) pour le groupe sorafénib (hazard ratio [HR] 0.39, IC 95%; 0.18 -0.85; p=0.0135) (figure 1), ce qui se traduit par une amélioration significative de la survie globale. La tolérance du traitement a été bonne et les taux de GVH aiguë grade 3-4 ont été de 17.5% dans le bras placebo et 20.9% dans le bras sorafénib. Il faut souligner que les patients n’avaient pas reçu d’inhibiteur de Flt3 à l’induction et la consolidation.

Le sorafénib réduit la mortalité par rechute lorsqu’un entretien après allogreffe est effectué pendant 2 ans. L’autre étude dite Radius (abstract #662) a inclus des adultes de 18 à 70 ans qui ont reçu une allogreffe myéloablative en première rémission complète pour une LAM avec mutation de Flt3. Les patients étaient randomisés pour recevoir la midostaurine 50 mg 2 fois par jour pendant 12 mois (début entre J28 et J60) ou non après l’allogreffe. Le critère principal était la survie sans rechute à 18 mois post allo- progression (n=24), effets secondaires (n=5) et greffe. L’étude a inclus 60 patients et la survie sans souhait du patient (n=2). Quatre rémissions ont rechute à 18 mois était de 76% (54%-88%) dans été observées (2RC et 2RCi) à des doses comprises le bras standard et 89% (69%-96%) dans le bras entre 120 et 240 μg par jour. L’AMG330 donne midostaurine (HR 0.46, p=0.26). Les taux de rechutes des résultats encourageants dans une population à 18 mois étaient de 24% et 11%, respectivement très lourdement prétraitée mais cela reste loin des ce qui pourrait correspondre à une réduction rela- résultats observés avec les Bites dans les LAL. Dans tive de 46% du risque de rechute avec l’usage de la midostaurine (figure 2). Sans surprise, With Number les of Product-Limit effets Subjects at Risk Survival les and LAM Estimates en rechute ou réfractaire, les auteurs ont 95% Confidence Limits présentés les résultats + d’une Censored association vénétoclax secondaires les plus 1.0 fréquents ont été des troubles Logrank p=0.0135 avec FLAG ida (abstract # 4048) afin de réduire digestifs et 8 patients ont arrêté la midostaurine. le seuil de l’apoptose des myéloblastes. Dans L’incidence de GVHa grade 2/3 a été de 37% et 30%, 0.8 cette phase 1b/2, l’objectif était de determiner sans aucun grade 4. Les « BiTEs » arrivent également la sécurité et l’efficacité du vénétoclax avec une dans le domaine de la LAM. F. Ravandi a présenté 0.6 2 chimiothérapie FLAG-IDA (fludarabine 30 mg/m une étude de phase 1 évaluant l’intérêt d’un anti- corps bispécifique T/CD33 AMG330 (abstract #26) IV de J2 à J6, cytarabine 2 g/m2 IV de J2 à J6, 0.4 en administration intraveineuse continue chez des idarubicin 6 mg/m2 IV de J4 à J6, et filgrastim patients atteints de LAM en rechute ou réfractaire. Les 5 mcg/kg de J1 à J7 en induction et consolidation. 0.2 doses ont été croissantes par étapes de 3 patients, et Une première cohorte a reçu du vénétoclax 200 mg partir de 30 μg, une prévention du syndrome de relar- de J1 à J21 de l’induction puis une réduction du 0.0 gage de cyokine a été effectué et une injection de 10 40 24 19 vénétoclax 17 de J1 à 14 J14 et de la 0 cytarabine 1.5 g/m2 Placebo Verum 43 35 31 25 18 0 μg/jour pendant 4 jours effectué avant la perfusion de ont été nécessaires en raison de bactériémie à gram 0 10 20 négatif 30 ou sepsis 40 50 la dose cible. Trente-cinq patients ont été inclus et ont chez 5 patients sur 6. Après la RFS_month fin de l’induction/consolidation, un traitement par reçu une dose de 0.5 à 480 μg/jour. La médiane d’âge vénétoclax Verum seul à 400 mg oral en maintenance était de 58 ans (range: 18-80) dont 40% strTherapy avaient Placebo reçu préalablement une allogreffe. Il s’agissait d’une a été utilisé chez les patients non allogreffés. population très avancée (médiane de 4 traitements Douze patients ont été traités (médiane âge 49 préalables) avec un taux de blastes médian de 37%. ans) en situation de rechute ou de LAM réfractaire Les patients ont reçu une médiane de 1 cycle (1-6) (médiane de 2 traitements et 33% de patients préalablement allogreffés). Six patients (50%) avait une cytogénétique complexe, 3 (25%) cytogénétique intermédiaire, et 3 (25%) de risque favorable. La mortalité à J30 et J60 était de 0%. Parmi les 11 patients évaluables, 8 (73%) ont obtenu une RC/ RCi avec une médiane de récupération des neutro- philes de 28 jours. Une allogreffe a été effectuée chez 3 patients parmi les répondeurs. La survie à 6 mois a été de 67% alors que la médiane de durée de rémission n’était pas atteinte avec toutefois une durée de suivi courte. Ce traitement est toutefois prometteur dans une population de LAM en rechute pour laquelle il y a peu de traitement disponible. Les traitements actuels des LAM et les nouveautés thérapeutiques sont présentées dans les tableaux 3 et 4.


Tableau 3 : traitements des LAM en 2019.

Tableau 4 : nouveautés à venir dans la prise en charge de la LAM.
 
Dr Sylvain Chantepie
Service d’hématologie clinique, CHU de Caen.

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