Actualités marquantes dans la LAL

Publié le : 5 septembre 2021Tags:

Quels sont les principaux enseignements de l’EHA 2021 sur les CAR T cells dans la LAL ?

Les CAR T et leurs dérivés font l’actualité dans cette EHA2021. Ces thérapies, bien que révolutionnaires, soulèvent encore nombre de questions.

Quelle est la place des CAR T cells dans la stratégie actuelle de traitement des LAL ? Les rechutes CD19 négatives restent un problème (place pour les CAR T bispécifiques, STAR T, etc.), de même que les pertes précoces de CAR (problème de persistance à améliorer par l’utilisation d’inhibiteurs de checkpoints), la chimiothérapie d’attente est à déterminer (les fortes masses tumorales sont associées à la rechute et au risque de syndrome de relargage cytokinique), les délais d’obtention des CARs à optimiser (circuit de production courts, CAR allogéniques), les coûts à réduire (place des CAR académiques).

Dans le champ des LAL B, Ghorashian and al (abstract S116), a présenté les résultats de TISA-CEL chez les plus jeunes patients (âge médian = 17 mois) avec LAL B R/R. On rappelle que dans l’étude de phase 3 ELIANA, le CAR T employé est le TISA-CEL, un CAR T cell autologue anti CD19, comportant un domaine de costimulation 4-1 BB. Cette étude avait montré, dans une population jeune âgée de 2 à 21 ans au moment du

diagnostic (âge médian = 11 ans), une réponse globale à 3 mois de 81% et des taux de survie sans évènement (SSE) et SG à 1 an de 50 et 76% respectivement. Ainsi, le TISA-CEL a l’AMM en cas de 2ème rechute ou de première rechute après allogreffe chez l’enfant et l’adulte jeune < 26 ans(1).

À l’EHA cette année, les 30 enfants de moins de 3 ans avaient des taux de SSE et SG à 1 an de 58 et 88% respectivement. Le profil de toxicité (SRC, neurotoxicité, cytopénies, hypogammaglobulinémies et infections) est superposable à celui de l’étude ELIANA et aux données en vie réelle. Ces données confirment l’utilisation de cette thérapie chez les plus petits ; reste à documenter l’utilisation de TISA- CEL chez les plus de 26 ans.

Shah and al (abstract S117) a présenté les résultats de l’étude ZUMA 3, étude de phase 1/2 multicentrique, évaluant KTE-X19, un CAR T cell autologue anti CD19 (comportant un domaine de costimulation CD28), chez 55 adultes lourdement pré-traités de 40 ans d’âge médian ayant une LAL B R/R.

Le suivi médian est de 16 mois. RC+RCI (rémission complète avec une récupération hématologique incomplète) est de 71%. Le taux de MRD négative est de 97% chez ces patients en RC ou RCI : autrement dit, quand les patients répondent, ils répondent de façon “profonde”. Parmi les répondeurs, la survie sans rechute médiane est de 14,2 mois et la SG médiane n’est pas atteinte. Un syndrome de relargage cytokinique (SRC) ≥ grade 3 et des évènements neurologiques ≥ grade 3 sont apparus chez 1/4 des patients.

Les autres effets secondaires ≥ grade 3 étaient principalement des cytopénies (anémie et neutropénie). Les CAR T sont indétectables à 9 mois chez tous les répondeurs et 10 patients ont reçu une allogreffe.

Enfin des données prometteuses à destination des LAL T (Pan and al, abstract S115). Le problème avec les CAR anti CD7 est celui de la fratricidie (autodestruction des CAR T cells puisque la cible est un marqueur T). Pour contourner ce problème, les chinois ont l’idée de transfecter des lymphocytes T allogéniques avec 2 constructions : l’une classique exprimant en surface un anticorps anti-CD7 et l’autre, intra-cellulaire, fixant la molécule CD7 empêchant celle-ci de s’exprimer en surface. Sur les 20 patients ayant une LAL T en rechute ou réfractaire (LAL T R/R) inclus dans cette étude de phase 1,
19 ont répondu (18 ont obtenu la RC et 1 une réponse partielle) et 7 patients ont pu recevoir une allogreffe. Le problème restant est celui de la lymphodéplétion T qui se traduit par une prédisposition aux réactivations virales (résolue par l’allogreffe ?)

Les autres pistes de travail avec les CAR T cells dans les LAL ? 

Tang and al, abstract S119 : résultat d’un traitement séquentiel par CAR T sur une cohorte de 20 enfants avec LAL B R/R : les patients recevaient une injection d’un CAR anti CD19 puis, 1,7 mois après, une injection d’un autre CAR anti-CD22, sans nouvelle lymphodéplétion : la totalité des enfants atteignent la rémission complète ; après un suivi médian de 27,3 mois : la suivie globale est de 80% et la suivie sans leucémie est de 60%. 8 patients rechutent, dont un patient avec des blastes ayant perdu à la fois le CD19 et le CD22 ! La quasi totalité des patients qui rechutent (85%) ont corrigé leur hypogammaglobulinémie dans l’année qui a suivi les injections de CAR, en faisant donc un paramètre hautement associé à la rechute. Lu and al, abstract S118 : les STAR T cells (Synthetic TCR and Antigen Receptor) avec double valence anti-CD19 et CD20 ont été utilisés dans une étude pré-clinique et une étude de phase 1.

Ces STAR T cells anti-CD19/CD20 semblent plus efficaces que les CAR T anti-CD19/CD20 dans les modèles de souris ; chez l’homme les résultats sont très préliminaires mais encourageants avec 9 patients sur 10 qui obtiennent une RC et ce avec une toxicité très faible.

Quelles nouveautés des schémas “chemo free” dans les LAL Ph+ ?

Les italiens ont présenté des résultats actualisés de leur étude D-ALBA (Chiaretti and al, abstract S112). On rappelle que l’étude D-ALBA est une étude multicentrique de phase 2 menée chez des patients atteints d’une LAL Ph + et qui recevaient, en première ligne, l’association dasatinib-blinatumomab(2). Avant la mise sous dasatinib 140mg/j, les patients recevaient une pré-phase de stéroïdes de 7 jours et les stéroïdes étaient poursuivi jusqu’au jour 31.

Le dasatinib était administré comme « induction » pendant 85 jours, auquel s’ajoutait une prophylaxie du SNC. Par la suite, les patients ayant obtenu une réponse hématologique complète recevaient un traitement de « consolidation » par blinatumomab à une dose fixe de 28 μg / jour (au moins 2 cycles et maximum 5 cycles) et poursuivaient le dasatinib.

Avec ce type de traitement chemo-free, à 18 mois, la survie globale (SG) était de 95% et la survie sans maladie (SSM) de 88%. 

Après un suivi médian de 27 mois, sur les 58 patients qui ont débuté le blinatumomab, alors que la suite de la prise en charge thérapeutique était laissée à la discrétion de l’investigateur, 29 patients ont reçu une allogreffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH) et 29 ont poursuivi leur inhibiteur de tyrosine kinase : 21 sous dasatinib, 3 sous imatinib du fait d’intolérance et 5 sous ponatinib (du fait d’une ascension moléculaire ou à cause d’une décision médicale). La SG est de 87,8% et la SSM est de 79,8%. La SSM était meilleure chez les patients obtenant une réponse moléculaire complète à l’issue de l’induction/consolidation (100% vs. 75.9%, p=0.028) et la SSM inférieure est confirmée chez les patients IKZF1-plus (IKZF1-plus = délétion d’IKZF1 associée à une anomalie génétique additionnelle de CDKN2A ou CDKN2B, PAX5) (SSM 54.5% chez les IKZF1- plus versus 84.5% chez les autres, p=0.026).

Sur les 9 rechutes récencées dans cette études, 4 portaient sur le système nerveux central, qui nécessite donc une vigilance particulière (renforcement thérapeutique à prévoir ?).

Un point également intéressant de ces combinaisons chemo-free est leur faible toxicité permettant d’amener des patients à l’allogreffe en meilleur état général.

Une autre association chemo-free associant, cette fois, un inhibiteur de tyrosine kinase de 3ème génération le ponatinib au blinatumomab a également été présentée par l’équipe du MD Anderson (Short and al, abstract S113). Les patients recevaient jusqu’à 5 cycles de blinatumomab et le ponatinib était prescrit à 30 mg/j pendant le 1er cycles et diminué à 15mg/j une fois la réponse moléculaire complète obtenue et continué pour une durée totale de 5 ans ; 12 injections intrathécales prophylactiques étaient associées. Au total, 28 patients ont été traités avec cette association : 19 patients avec une LAL B en première ligne et 9 patients avec une LAL B R/R. Après un suivi médian de 14 mois, la SG est de 94% et la survie sans évènement de 81%. Aucun des patients nouvellement diagnostiqués n’a reçu d’allogreffe de CSH.

Quelles sont les perspectives thérapeutiques dans les années à venir ?

Les immunothérapies et les thérapies ciblées prennent une place prépondérante dans le traitement des LAL. De plus en plus, le blinatumomab apparait comme la drogue incontournable avec de très bons résultats de l’équipe italienne qui utilise le blinatumomab en première ligne, lors des consolidations, chez tous les patients LAL B afin d’améliorer la maladie résiduelle (Bassan and al, abstract S114). En France, l’étude QUEST, qui sera présentée prochainement à l’ASH, est une étude de phase 2, associée au protocole GRAALL 2014, qui évalue chez des patients de haut risque cette fois, l’impact de 5 cycles de blinatumomab durant les consolidations, en alternance avec des cycles de chimiothérapies intensive. Là encore les résultats sont excellents. Fort de ces constatations, le futur protocole GRAALL se propose de positionner ces thérapies anti-CD19 encore plus en amont, de façon précoce et simultanée à la chimiothérapie.

Références :

1 – Maude SL and al. Tisagenlecleucel in Children and Young Adults with B-Cell Lymphoblastic Leukemia. N Engl J Med 2018; 378:439-448.

2 – Foà and al. Dasatinib–Blinatumomab for Ph-Positive Acute Lymphoblastic Leukemia

in Adults. N Engl J Med 2020; 383:1613-1623.

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