Essai DESTINY : et si on bouleversait les standards de l’arrêt des ITK ?

Publié le : 4 novembre 2019Tags:

Arrêt des ITK chez les patients au minimum en RMM durable après une phase de désescalade à demi-dose d’un an : actualisation à 36 mois.
Final results of the destiny study of de-escalation and stopping treatment in chronic myeloid leukaemia.
D’après R Clark et al. Abstract S809, EHA 2018.
 

Contexte, présentation et objectif de l’étude

Les critères pour une tentative d’arrêt du traitement par ITK tels que définis dans l’étude européenne EUROSKI étaient moins stricts que ceux utilisés dans les études préalables : ils concernaient des patients traités par ITK au minimum depuis 3 ans, en réponse moléculaire profonde (≥ RM4) depuis au minimum un an et il n’est réalisé de décroissance posologique préalable. La perte de la RMM (réponse moléculaire
majeure) constitue de manière consensuelle le critère de reprise du traitement(1). Les essais cliniques d’arrêt des ITK ont montrés jusqu’à présent une probabilité de succès d’environ 50 %. L’essai britannique de phase II non randomisé DESTINY (« De-Escalation and Stopping Treatment of Imatinib, Nilotinib and sprYcel ») a testé chez des patients LMC en PC traités par ITK depuis 3 ans minimum, en situation de réponse moléculaire majeure stable depuis un an (3 analyses du ratio BCR/ABL requises) une stratégie de désescalade thérapeutique (diminution de moitié de la dose standard d’ITK soit imatinib 200 mg/ jour, nilotinib 400mg/ jour, dasatinib 50 mg/jour) avant d’interrompre le traitement en cas de maintien en RMM (suivi moléculaire mensuel). En cas de perte de la RMM, l’ITK était repris à la dose administrée à l’entrée dans l’essai. Le critère de jugement principal est la proportion de patient demeurant en RMM. L’actualisation à 36 mois de suivi a été présentée en communication orale lors de cet EHA.

Résultats

Un total de 174 patients sur 335 sélectionnés a été inclus dans cette étude : 148 traités par imatinib, 16 traités par nilotinib et 10 par dasatinib ; la durée médiane d’exposition au traitement était de 6.8 ans. Pour analyser la survie sans récurrence moléculaire (SSRM) les patients ont été scindés en 2 groupes en fonction de la réponse moléculaire observée durant l’année précédant l’inclusion : RMM n= 49 versus RM4 n=125. Durant la 1ère phase de réduction de dose, 12 patients ont perdu leur RMM ainsi 93% des patients ont pu participer à la phase d’arrêt du traitement (figure 1). Au sein du groupe RM4, 34 récurrences moléculaires ont été enregistrées soit une SSRM de 72% à 36 mois versus 36% dans le groupe RMM (p<0,001) (figure 2). Plusieurs facteurs prédictifs de récurrence moléculaire après arrêt ont été testés en analyses uni-et multi-variées, aucun caractère prédictif n’a été trouvé concernant l’âge, le sexe, le type d’ITK et le score pronostique calculé au diagnostic. Les seuls critères statistiquement significatifs en analyse multivariée sont : une réponse moléculaire de type RM4 versus RMM à l’inclusion et la durée d’exposition au traitement par ITK (figure 3). Le délai de réobtention de la RMM a été inférieur à 4 mois pour les 2 groupes. Aucune progression en phase accélérée ou blastique n’a été observée. De manière intéressante, un bénéfice en termes de réduction d’intensité des effets secondaires a été noté dès les 3 premiers mois de la phase de désescalade de dose sans bénéfice ultérieur supplémentaire.

Figure 1 : flow-chart des patients screenés. D'après R Clark et al. Abstract S809, EHA 2018.

Figure 1 : flow-chart des patients screenés. D’après R Clark et al. Abstract S809, EHA 2018.

Figure 2 : schéma et flow-chart des patients inclus. D'après R Clark et al. Abstract S809, EHA 2018.

Figure 2 : schéma et flow-chart des patients inclus. D’après R Clark etal. Abstract S809, EHA 2018.

Figure 3 : survie sans perte de réponse moléculaire majeure selon la réponse moléculaire à l'inclusion (RMM vs MR4). D'après R Clark et al. Abstract S809, EHA 2018.

Figure 3 : survie sans perte de réponse moléculaire majeure selon la réponse moléculaire à l’inclusion (RMM vs MR4). D’après R Clark et al. Abstract S809, EHA 2018.

Quels impacts sur les connaissances et les pratiques cliniques ?

La phase de réduction de dose est intéressante en raison de l’amélioration de la qualité de vie et des taux faibles de rechutes moléculaires en particulier pour les pts ayant une RM4 : 2,4% alors qu’il est de 19% pour les patients en RMM. La SSRM dans le groupe RM4 est remarquable comparativement aux résultats du vaste essai clinique européen d’arrêt des ITK Euroski (SSRM 49% à 36 mois) tandis que celle des
patients en RMM est non négligeable. Gardons cependant à l’esprit 4 points :

  • il s’agit d’une population de patients sélectionnés (échec de sélection de 48%) ;
  • le taux médian du ratio BCR-ABL1/ABL1 à l’inclusion est de 0.0047% dans le groupe RMM ;
  • la durée de traitement par ITK est de 7.7 ans dans le groupe RMM et de 6.5 ans dans le groupe RM4 ;
  • la supériorité d’une stratégie de désescalade versus arrêt brutal des ITK doit être évaluée de manière prospective.

Critique méthodologique

Cet essai traite de la désescalade thérapeutique des ITK dans la leucémie myéloïde chronique. Cette étude d’interruption de traitement pose la question de la détection de cellules souches leucémiques. Plusieurs facteurs prédictifs de récurrence moléculaire après arrêt ont été testés à l’aide d’un modèle de Cox, mais il peut être intéressant d’utiliser les forêts de survie aléatoires comme complément d’analyse au modèle de Cox (cf. focus ASH 2017). Les règles d’arrêt du traitement étant larges, une étude en vie réelle sur un plus grand nombre de patients pourrait apporter des informations utiles.

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