PF-114 : un futur concurrent au ponatinib ?

Publié le : 4 novembre 2019Tags:

Étude de phase I d’un nouvel ITK 3ème génération, PF114 chez les patients LMC résistants.
Updated results from the ongoing phase i study of pf-114 mesylate in patients with cml with failure of prior tki therapy.
D’après A Turkina et al. Abstract PF371, EHA 2018.

Contexte de l’étude

Le développement de nouvelles molécules pour les patients résistants aux inhibiteurs de 2ème génération en phase chronique (PC) ou en progression vers une phase accélérée (PA) reste un enjeu thérapeutique notamment en cas de mutation T315I. Le ponatinib a fait la preuve de son efficacité dans ces situations complexes mais est associé à la survenue d’évènements artériels thrombotiques potentiellement sévères. Le PF-114 mesylate est un tout nouvel inhibiteur de tyrosine kinase de 3ème génération actif sur les formes naïves et mutées de la kinase BCR-ABL notamment la mutation T315I. Il s’agit d’un analogue du ponatinib mais dont la spécificité pour la kinase BCR-ABL a été augmentée par rapport au ponatinib dans le but de limiter les effets dits « off-target ». Les résultats de l’étude russe de phase I initiée en juillet 2016 testant le PF114 chez les patients LMC en PC ou PA résistants à au moins un ITK 2ème génération ou intolérants aux ITK disponibles ou exprimant la T315I ont été présentés en communication orale au dernier congrès de l’ASH et actualisés lors de cet EHA.

Objectifs de l’étude

Objectifs I : déterminer la dose limitante toxique (DLT) et la dose maximale tolérée (DMT).
Objectifs II : analyse la tolérance, l’efficacité et le profil pharmacologique

Résultats de l’étude

En mars 2018, 35 inclusions avaient été réalisées sur les 65 prévues, la majorité des patients inclus étaient en PC. La plupart des patients n’avaient pas obtenu de réponse cytogénétique (62%) et avaient reçu au moins 2 ITK (85%). Une mutation T315I a été détectée chez 35% des patients à leur entrée dans l’étude (figure 1). L’escalade de dose a été menée selon le schéma classique 3+3. Sept doses ont été testées (de 50 à 750 mg) mais la DLT n’a pas été atteinte (figure 2). Une corrélation entre la dose administrée et la concentration plasmatique a été mise en évidence grâce aux études de pharmacocinétique. Des réponses hématologiques et cytogénétiques ainsi que des rémissions moléculaires majeures ont été observées y compris chez les patients porteurs d’une mutation T315I (figure 3). La toxicité hématologique semble limitée avec 4 patients seulement ayant présenté un évènement de grade 3 (2 cas neutropénie et 2 cas de thrombopénie). La toxicité extra hématologique a été principalement cutanée avec près de la moitié des patients qui ont présenté une éruption de grade 1 et/ou 2. Il s’agit de lésions psoriasiformes. Aucun évènement vasculaire thrombotique n’a été enregistré. Les doses de 200 et 300 mg sont actuellement testées en phase d’expansion sur la base des signaux d’efficacité.

Figure 1 : principales caractéristiques des patients à l'inclusion. D'après A Turkina et al. Abstract PF371, EHA 2018.

Figure 1 : principales caractéristiques des patients à l’inclusion. D’après A Turkina et al. Abstract PF371, EHA 2018.

Figure 2 : représentation de l'escalade de dose à la recherche de la dose maximale tolérée. D'après A Turkina et al. Abstract PF371, EHA 2018.

Figure 2 : représentation de l’escalade de dose à la recherche de la dose maximale tolérée. D’après A Turkina et al. Abstract PF371, EHA 2018.

Figure 3 : réponse hématologique, cytogénétique majeure, moléculaire majeure selon la phase de la maladie et le statut mutationnel T315I à l'initiation du traitement par PF-114. D'après A Turkina et al. Abstract PF371, EHA 2018.

Figure 3 : réponse hématologique, cytogénétique majeure, moléculaire majeure selon la phase de la maladie et le statut mutationnel T315I à l’initiation du traitement par PF-114. D’après A Turkina et al. Abstract PF371, EHA 2018.

Quels impacts sur les connaissances et les pratiques cliniques ?

Le ponatinib est l’ITK le plus puissant actuellement disponible, il est actif sur de nombreuses mutations notamment la T315I qui confère une résistance à tous les autres ITK(1). Ce dernier est cependant associé à une toxicité vasculaire potentiellement sévère. En France, l’inclusion dans l’essai clinique testant l’ABL001 (NCT02081378) qui un inhibiteur allostérique de BCR-ABL est une alternative possible pour certains patients en situation de résistance/intolérance aux ITK ou ayant une mutation T315I. L’ABL001 semblerait avoir un bon profil de tolérance et son efficacité lui permet de progresser dans son développement clinique. L’avenir nous dira si le PF-114 viendra compléter les possibilités thérapeutiques de ces situations rares mais redoutables sur le plan pronostique.

Critique méthodologique

L’objectif principal de cette étude est de déterminer la dose maximale tolérée à recommander (MTD, Maximum Tolerated Dose), la dose limitante toxique (DLT) et l’efficacité . Il faut distinguer deux définitions de la MTD. La première définition que l’on appelle empirique est la dose qui, administrée selon un certain schéma d’administration, est associée à un niveau de toxicité « acceptable » par exemple toxicité de grade 3 ou plus chez pas plus de un malade sur trois. La définition probabiliste est le percentile de la relation entre dose et toxicité inacceptable dite « dose-limitante » (Dose-limiting toxicity , DLT). Rappelons que les trois critères de la planification d’une étude de phase précoce sont :

  1. la sélection de la dose initiale entraînant une toxicité présumée acceptable en fonction des résultats des études précliniques ou cliniques ;
  2. le choix des posologies pour les paliers de doses successifs. La méthode la plus utilisée pour sélectionner ces paliers de dose est dérivée de la suite de « Fibonacci » (1, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 34…), chaque chiffre correspondant à la somme des deux chiffres précédents.
  3.  le choix d’un schéma d’escalade de dose. On distingue deux types de schémas d’escalade de dose :
  • les schémas basés sur des algorithmes : ce sont les plus simples et les plus utilisés (cf. focus Design 3+3) ;
  • les schémas basés sur un modèle de relation dose-toxicité : ils sont plus complexes et moins fréquemment utilisés malgré leur fondement statistique plus rigoureux (cf. focus Design CRM).

 

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