Rituximab + Ino + mini-hyperCVD +/- Blina : qui dit mieux ?

Publié le : 19 septembre 2019Tags:
Inotuzumab Ozogamicin en association avec une chimiothérapie de faible intensité (mini-hyper-CVD) Vs chimiothérapie intensive standard (hyper- CVAD) comme traitement de première ligne pour les patients agés atteint de LAL à chromosome Philadelphie négative : analyse de score de propension.
Inotuzumab Ozogamicin in Combination with Low-Intensity Chemotherapy (mini-hyper-CVD) Vs. Standard Intensive Chemotherapy (hyper-CVAD) As Frontline Therapy for Older Patients with Philadelphia Chromosome-Negative Acute Lymphoblastic Leukemia (ALL): A Propensity Score Analysis.
D’après la communication orale de Sasaki K et al., abstract #34, ASH 2018.

Contexte de l’étude

Le traitement des LAL Ph négative du sujet âgé représente un véritable challenge à l’heure actuelle. À l’inverse des LAL Ph+ pour lesquelles la chimio- thérapie a été réduite grâce l’arrivée des ITKs, le traitement des LAL Ph- repose toujours sur l’administration de chimiothérapie standard dont la tolé- rance est moyenne chez les sujets âgés. La survie médiane actuelle dans cette population est de moins d’1 an(1,2). L’arrivée de nouvelles thérapies dis- ponibles pour les rechutes de LAL-B telles que le blinatumomab (Blina) ou bien l’inotuzumab ozogamycin (INO) pose la question de leurs utilisations en première ligne notamment chez le sujet âgé en raison d’un profil de to- lérance favorable en comparaison à la chimiothérapie standard.

Objectifs de l’étude

L’objectif de l’étude était de comparer le devenir des patients atteints de LAL Ph négatif nouvellement diagnostiquées et traitées par INO+mini-hyper-CVD à une cohorte de patients traités par hyper-CVAD (bras standard). Des ana- lyses univariées et multivariées ont été effectuées afin d’identifier des facteurs pronostiques de la survie globale (OS).

Résultats de l’étude

Il s’agit d’une étude rétrospective et monocentrique de patient traité au MD Anderson cancer center. Le temps du traitement jusqu’à la greffe a été trai- té comme une variable temps dépen- dante. Afin de pouvoir comparer les cohortes, un appariement avec calcul de score de propension a été effectué. Cette étude a inclus 135 patients de plus de 60 ans traités soit par INO+- mini-hyper-CVD (n=58) ou hyper-CVAD (n=77). Le schéma de traitement du bras INO est résumé dans la figure 1. Au démarrage de l’étude, le traitement comporte 8 cycles de mini-hyper-CVD avec dose réduite de cyclophosphamide (-50%), dexaméthasone (-50%), dis- parition des anthracyclines, réduc- tion du méthotréxate (-75%) et de la cytarabine (-83%). L’inotuzumab est injecté à J3 pour les 4 premiers cy- cles, le rituximab J2 et J8 pour les 4 premiers cycles en cas de positivité du CD20 et des injections intrathécales sont prévues à raison de 8 au total (2 par cycles pendant les 4 premiers cy- cles). Il faut noter que la dose d’INO a varié au cours de l’étude. Les 6 premiers patients ont reçu 1.3mg/m2au cycle 1 (C1) puis 0.8mg/m2 au C2C3C4. Pour une raison qui n’a pas été expliquée, la dose d’INO a ensuite été portée à 1.8mg/m2 C1 et 1.3mg/m2C2C3C4 (patients 7 à 34). En raison de la survenue de maladie veino- occlusive (MVO), la dose a été ensuite réduite à 1.3mg/m2 au C1 et 1mg/m2aux C2C3C4 (patients 35 à 49). Les auteurs précisent qu’ils on réduits encore la dose d’INO afin de mini- miser le risque de MVO : 0.9g/m2C1 et 0.6mg/m2 C2C3C4 (patients 50 à 58).

Figure 1 : schéma d’administration du traitement Mini-HCVD + INO +/-blinatumomab dans les LAL en première ligne.

Figure 1 : schéma d’administration du traitement Mini-HCVD + INO +/-blinatumomab dans les LAL en première ligne.

Le traitement se termine par un en- tretien pendant 3 ans (POMP). Vous avez tout compris ? Et ce n’est pas finicarleschémaaétéensuiteen- core modifié à partir du patient 50 par l’ajout de blinatumomab 4 cy- cles en consolidation et 4 cycles en maintenance. La maintenance a été réduite à 18 mois. Aucune raison n’a été évoquée pour expliquer ces changements dans le schéma thérapeutique. Les patients traités par le bras INO+mini-hyper-CVD+/-blinatumomab (n=58) ont été comparés aux patients traités par HyperCVAD standard (n=77). Les 2 cohortes de patients traités sont différentes puisque 30% des patients traités par le bras standard avait un PS ≥2 contre seulement 14% dans le bras expérimental (p=0.028). Il y avait également une différence dans l’ex- pression du CD22 plus forte dans le groupe de patient traité par le bras INO (90 vs 97%, p0.001) et un traitement par rituximab plus fréquent dans le bras INO (47% vs79%, p<0.001). Les auteurs ont matchés 38 patients du groupe INO avec 38 patients du bras standard à l’aide des variables suivantes : âge, PS, leucocytose initiale, le pourcentage de blastes dans le sang et la moelle, la cytogénétique, le pourcentage d’expression du CD20/ CD22 par les blastes et l’atteinte du SNC initiale. Après appariement, les 2 groupes ne présentaient plus de différences significatives en tout cas sur l’ensemble des variables.

Le groupe INO obtient 98% de CR/ Cri/CRp contre 88% pour le bras standard (p=0.037), un taux de décès plus faible (0 vs 8%,p=0.03) et un taux de décès en rémission à 3 mois plus faible (5 vs 17%, p=0.032). Après «matching», les différences ne sont plus significatives pour la réponse (97 vs90%, p=0.361), les décès pré- coces (0 vs 5%, p=0.493), et décès toxiques à 3 mois (5 vs 13%, p=0.21). Les courbes de survie sans événement (EFS) et de survie globale (OS) sont présentées dans la figure 2 avec les cohortes sans et avec matching. L’EFS à 3 ans dans les cohortes matchées est de 64% pour le bras INO contre 34% dans le bras HyperCVAD standard (p=0.003). L’analyse multivariée a été présentée sur la cohorte non appariée et montre que l’âge (HR 1.045, 95%CI 1.007-1.085, p=0.019) est un facteur pronostic indépendant de mortalité et que le traitement expérimental avec INO+mini-hyper-CVD+/- blinatumomab réduit la mortalité de 45% (HR 0.55, 95%CI 0.332- 0.911, p=0.02). Les taux de ré- mission sont peu différent entre les 2 bras de traitement après appariement, ce qui laisse penser que la profondeur de la réponse est meilleure dans le groupe INO+mini-hyper-CVD+/- blinatumomab par rapport à l’HyperCVAD standard, Les données de MRD n’ont pas été présentées.
Figure 2 : probabilité de survie sans événement (A) et de survie globale (B) dans les cohortes non matchées et matchées.

Figure 2 : probabilité de survie sans événement (A) et de survie globale (B) dans les cohortes non matchées et matchées.

Quels impacts sur les connaissances et les pratiques cliniques ?

Les données présentent de nombreux biais mais il s’agit là d’un traitement no- vateur qui s’accompagne d’une grande efficacitéetsurtoutd’uneincidencede décès précoce faible. Bien sur, une étude randomisée controlée serait nécessaire mais elles sont difficiles à conduire dans cette population peu fréquente de sujet fragile. L’association de inotuzumab blinatumomab et rituximab avec de petite dose de chimiothérapie sera surement une association prometteuse et peut devenir un standard à la lecture du taux de rémission et de la faible mortalité.

Références
  1. Subramanian et al. Blood 2013 ; 122 :1404.
  2. Li et al. Blood 2016 ; 128 :3981.

Critique méthodologique

Il s’agit d’une étude monocentrique rétrospective dont l’objectif était de comparer le devenir des patients atteints de LAL Ph- nouvellement diagnostiqués et traités par INO+mini-hyper-CVD à une cohorte de patients traités par hyper-CVAD (bras standard). Nous sommes dans le cadre d’une étude observationnelle et non expérimentale, et par conséquent il n’y a pas de relation causale possible à cause du possible changement du schéma thérapeutique. De plus, la médiane de suivi est indispensable pour pouvoir analyser une étude de survie. Attention donc à ne pas interpréter une courbe de survie sans tenir compte du nombre de sujets à risque encore inclus au moment de la fin du suivi qui devrait être représenté dans la figure 2.
Enfin, nous devons nous assurer que les arrêts de traitements, les déviations aux protocoles et les traitements concomitants ont été recueillis et sont convenablement documentés.

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