Anticorps antiphospatidylsérine/prothrombine dans le SAPL
Réf. : HematoStat.net ; 2(2) : U12
Contexte de l’étude
Le syndrome des antiphospholipides (SAPL) est une pathologie auto-immune caractérisée par la présence d’anticorps antiphospholipides associée à des évènements thrombotiques et/ou obstétricaux. Malgré les révisions successives des recommandations biologiques pour le diagnostic du SAPL au cours du temps, les critères biologiques sont limités à la présence d’un lupus anticoagulant, d’anticardiolipine ou d’anti-B2GP1. L’association entre ces anticorps antiphospholipides et le risque d’évènements thrombotiques est liée au nombre de tests positifs. Cependant, les anticorps antiphosphatidylsérine/prothrombine ont eu un regain d’intérêt ces dernières années, sans pour autant, pour l’instant, apparaître clairement dans les critères diagnostiques biologiques du SAPL.
Objectifs de l’étude
L’objectif de cette revue systématique de la littérature était d’évaluer la prévalence des anticorps antiphosphatidylsérine/prothrombine en général et selon le profil des anticorps des patients atteints de SAPL.
Les auteurs ont réalisé une recherche systématique sur Pubmed, Web of Science et la Cochrane Library de janvier 1990 à septembre 2021 selon les recommandations PRISMA. Les proportions et les intervalles de confiance à 95 % ont été calculés en utilisant des modèles à effets aléatoires. Les biais de publication ont été évalués par la visualisation de graphiques en entonnoir (funnel plot) et des tests d’Egger et Begg. Une évaluation de la qualité des publications par la méthode AHRQ a également été réalisée.
Résultats de l’étude
Vingt et un articles portant sur la prévalence des anticorps antiphosphatidylsérine/prothrombine incluant 1 853 patients atteints de SAPL ont été considérés éligibles selon les critères d’inclusion et analysés. Les prévalences poolées des anticorps antiphosphatidylsérine/prothrombine isolés, des IgM isolés et des IgM/G étaient de 50,0 %, 45,0 % et 65,0 % respectivement. Aucun biais de publication significatif n’a été mis en évidence à partir des graphiques en entonnoir et des tests d’Egger et Begg. La prévalence des anticorps antiphosphatidylsérine/prothrombine IgG/M variait de 41,4% à 86,0% et la prévalence poolée était de 65 %
(57,7 % – 71,9 %) avec I2 de 84,9 % (76,6 % – 90,3 %, figure 1) Quand la prévalence des anticorps antiphosphatidylsérine/prothrombine était calculée dans la population avec antiphospholipides, la prévalence pooléé des anticorps antiphosphatidylsérine/prothrombine IgG/M était plus élevée chez les patients ayant un lupus anticoagulant (84,5 %) que chez ceux présentant une triple positivité
(83,4 %).
La moitié des études avaient un biais incertain dans la sélection des patients en raison du recrutement des patients. Il n’y avait pas de bais dans la performance ni dans la détection (figure 2).
Quels impacts sur les connaissances et les pratiques cliniques ?
Ces données démontrent une prévalence élevée d’anticorps antiphosphatidylsérine/prothrombine IgG/M chez les patients atteints d’un SAPL et surtout chez ceux présentant un lupus anticoagulant positif. Cependant, d’autres études sont nécessaires avant d’incrémenter la détection des anticorps antiphosphatidylsérine/prothrombine IgG/M comme critère biologique du SAPL et proposer leur détection en routine au laboratoire.
Critique méthodologique
Pour leur revue systématique, les auteurs ont suivi les recommandations PRISMA qui ont été mises à jour récemment, en 2020. Les outils utilisés pour les méta-analyses sont éprouvés (calcul de l’hétérogénéité avec la statistique I², tests sur les biais de publications, méta-régressions, etc.) mais l’intérêt de PRISMA est cette incitation à beaucoup de transparence sur la conduite des méta-analyses. Ceci se traduit concrètement par de nombreuses tables décrivant les études (pays, design, effectif, âge et sexe de la population, proportions de SAPL ou odds-ratios, etc.) et des graphiques notamment présentant le remplissage de critères des publications permettant l’évaluation de la qualité des études retenues. Cinq méta-analyses ont été effectuées à partir de 21 publications, suivant la population (SAPL primaire ou secondaire, avec présence de lupus anticoagulant,etc.) et l’outcome (prévalence en % ou odds-ratio).
Concernant l’hétérogénéité des résultats, celle-ci était très marquée dans l’ensemble des résultats basés sur la prévalence. Il faut bien garder à l’esprit que les résultats ont été évalués par des taux soit d’IgM soit d’IgG (ou les 2), principalement sur des cohortes rétrospectives et que les limites de cette revue de la littérature soulignent que les seuils de positivité variaient fortement d’une étude à l’autre (de 2 à 61.4 unités pour l’IgG par exemple !) La méta-régression n’indiquait pas en tout cas d’influence du type d’analyse effectuée (ELISA ou autre). Dans l’idéal, bien qu’on puisse douter que cela change la teneur des résultats finaux, il aurait fallu les valeurs médianes ou moyennes des taux d’IgG et d’IgM pour plus de précision et réduire peut-être cette hétérogénéité des cas positifs aux anticorps antiphosphatidylsérine/prothrombine. Aussi l’estimation des odds-ratio sur le diagnostic d’APS ne se calculait pas toujours par rapport à une population non-APS mais cela semble parfaitement secondaire.
Points forts | Points faibles | |
Cliniques |
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Statistiques |
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