Pegcétacoplan versus éculizumab en deuxième ligne chez les patients atteints d’hémoglobinurie paroxystique nocturne anémiques : un nouvel espoir !

Réf.HematoStat.net ; 2(6) : U13

Hillmen, M.B and al. Pegcetacoplan versus Eculizumab in Paroxysmal Nocturnal Hemoglobinuria. Peter Hillmen, M.B. N Engl J Med 2021; 384:1028-1037.
DOI: 10.1056/NEJMoa2029073

Contexte de l’étude 

Les traitements par inhibiteurs de la fraction C5 du complément permettent un contrôle de l’hémolyse intravasculaire et une amélioration de la survie chez les patients atteints d’hémoglobinurie paroxystique nocturne (HPN)1,2. Cependant les érythrocytes opsonisés par la fraction C3 continuent d’entraîner une hémolyse extra vasculaire, à l’origine de la persistance d’une anémie, d’une dépendance transfusionnelle et d’une altération de la qualité de vie des patients HPN3. Le pegcétacoplan cible les fractions C3 du complément afin de contrôler l’hémolyse intra et extra vasculaire4.

Objectifs de l’étude 

PEGASUS est un essai randomisé, multicentrique, en ouvert, contre standard de traitement, évaluant l’efficacité et la sécurité d’emploi d’un traitement de 16 semaines par pegcétacoplan versus éculizumab chez des patients traités pour HPN adulte présentant une hémoglobine inférieure à 10.5g/dL malgré un traitement par éculizumab (figure 1). L’objectif principal de l’étude était le changement du taux d’hémoglobine entre le début et la fin des 16 semaines de traitement.

Figure 1 : design de l’étude PEGASUS avec les hypothèses statistiques.

Résultats de l’étude 

Au total 80 patients suivis dans 44 centres ont été inclus dans l’étude. Quarante et un patients ont reçu du pegcétacoplan et 39 ont reçu de l’éculizumab.La totalité des patients du groupe éculizumab ont reçu les 16 semaines de traitement. Dans le groupe pegcétacoplan, 3 patients ont interrompu le traitement suite à des épisodes d’hémolyse aigue. L’augmentation moyenne du taux d’hémoglobine était significativement plus importante dans le groupe pegcétacoplan avec une augmentation moyenne de 2.37g/dL. Entre les 2 groupes, la différence moyenne en termes de gain d’hémoglobine par rapport au début du traitement était de 3.84g/dL à la semaine 16 (95% d’intervalle de confiance [IC], 2.33 to 5.34; P<0.001) (figure 2). Après 16 semaines de traitement 85% des patients recevant du pegcétacoplan avaient une indépendance transfusionnelle contre 15% dans le groupe éculizumab. En termes de toxicité, 88% des patients recevant du pegcétacoplan et 87% des patients recevant de l’éculizumab ont présenté des effets indésirables. Chez les patients ayant reçu du pegcétacoplan ou de l’éculizumab, les principaux effets secondaires étaient des réactions aux points d’injection (37% versus 3%), des diarrhées (22% versus 3%), des épisodes d’hémolyse aiguë (10% versus 23%), des céphalées (7% versus 23%) et de la fatigue (5% versus 15%). Le taux d’infections n’était pas différent entre les deux groupes de traitement. À la fin des 16 semaines de traitement de l’étude, tous les patients du groupe éculizumab ont débuté un traitement par pegcétacoplan.

Figure 2 : résultats du changement du taux d’hémoglobine à 16 semaines dans l’essai PEGASUS.

Quels impacts sur les connaissances et les pratiques cliniques ?

Cet essai de phase 3, randomisé, multicentrique, international a démontré la supériorité du pegcétacoplan en termes de correction du taux d’hémoglobine chez des patients HPN anémiques sous éculizumab. Lors de leur inclusion dans l’essai PEGASUS et malgré un traitement de 5 ans en moyenne par éculizumab, les patients de l’étude restaient sévèrement anémiques avec un taux moyen d’hémoglobine à 8.7g/dL et 75% d’entre eux étaient régulièrement transfusés. A coté de l’augmentation du taux d’hémoglobine, plus du tiers des patients recevant du pegcétacoplan ont vu leur taux d’hémoglobine se normaliser, et 85% sont devenus transfusion-indépendants. Le nombre d’effets indésirables était le même dans les deux groupes de traitement. La sortie d’étude de 3 patients pour hémolyse aigue suggère qu’un petit sous-groupe de patients pourraient nécessiter des ajustements de dose de pegcétacoplan à l’arrêt de l’éculizumab. En conclusion, l’essai PEGASUS a montré que chez des patients HPN anémiques malgré un traitement par éculizumab, un traitement par pegcétacoplan permettait un meilleur contrôle de l’hémolyse intra et extra vasculaire sans augmentation de la toxicité.

Le regard du biostatisticien 

Cet essai de phase 3 ouvert bien designé a joué sur la carte de la transparence sur la rédaction de la publication (quels sont les auteurs qui ont écrit le draft, modalités de rémunération du rédacteur médical, relecture par le sponsor, etc.), au détriment du calcul de la taille d’échantillon nécessaire pour vérifier leur hypothèse : la comparaison du niveau d’hémoglobine entre éculizumab et pegcétacoplan à 16 semaines depuis la randomisation. En effet les niveaux de puissance et risque alpha ne sont pas spécifiés, ni la différence d’hémoglobine attendue. Les strates pour la randomisation n’ont pas non plus été spécifiées. Peut-être dans les suppléments ? Ceci est regrettable car ce sont toujours des éléments que les lecteurs aiment avoir sous les yeux pour confronter à ce qui s’est passé dans l’essai. Les multiples critères secondaires ont été hiérarchisés, c’est-à-dire classés par niveau d’importance décroissant. La règle est la suivante : en étudiant dans l’ordre ces critères secondaires, si le critère est vérifié (significatif), on peut tester et considérer le suivant et ainsi de suite ; sinon, deux options :

  1. on arrête la série de tests là où l’hypothèse en question n’est pas vérifiée ;
  2. on peut pourquoi pas analyser les critères restants mais alors aucune conclusion en sera tirée.

Ce classement est vraiment une étape qui nécessite beaucoup de discussions en amont. Pour contrôler l’inflation du risque alpha de ces hypothèses secondaires hiérarchisées (un détail toujours délicat à manipuler dans le cadre de tests multiples comme ici), certaines de ces hypothèses ont été réévaluées en  test de non-infériorité  (avec une marge pré-définie respective à chaque hypothèse), pour être probablement moins restrictif.

Pour analyser statistiquement la différence d’hémoglobine à 16 semaines entre les deux traitements, un modèle linéaire mixte  a été utilisé. Étant donné le caractère répété des mesures (à différents temps), les patients ont été inclus dans le modèle en tant que variable aléatoire afin d’ajuster les résultats en fonction des fluctuations individuelles. De plus, les variables ayant servi à la stratification de la randomisation ont été incluses dans le modèle (lesquelles ? / appendix ?), ainsi qu’une variable d’interaction entre le temps et le traitement (pouvant informer s’il y a des différences de comportement au niveau de l’Hb entre les deux médicaments au fil du temps). Difficile de faire mieux en matière de modélisation dans ce cas précis pour estimer au plus juste la différence d’hémoglobine (selon la méthode des moindres carrés) et vérifier l’hypothèse principale.

Note : 3 patients sur les 41 du bras pegcétacoplan ont vu leur traitement interrompu mais il est indiqué dans la méthodologie qu’aucun patient ne sera censuré, comme si on les analysait en intention de traiter. C’est effectivement la meilleure façon de procéder et de plus cet effectif est trop petit pour induire un biais.

Parmi les hypothèses secondaires vérifiées : supériorité de pegcétacoplan par rapport au niveau baseline, supériorité également au niveau de l’indépendance transfusionnelle, significativement moins de reticulocytes, tandis que l’hypothèse de non-infériorité de la LDH reste non-significative (l’intervalle de confiance n’est pas différent de la marge de non-infériorité). Suivant scrupuleusement le principe de hiérarchisation des objectifs secondaires, les résultats sur le score FACIT-F, dernier critère à tester, n’est pas considéré (bien que significatif).

Points forts Points faibles
Cliniques
  • Essai de phase 3 randomisé, multicentrique, international.
  • Population homogène.
  • Objectif principal atteint.
  • Données biologiques manquantes : dosage éculizumab, évaluation du blocage du complément.
  • Recul faible pour évaluer le risque d’infections sous inhibiteurs de C3.
  • Comparaison à l’éculizumab plutôt qu’au ravulizumab.
Statistiques
  • Critères secondaires hiérarchisés.
  • Comparaison entre groupes effectués via un modèle linéaire mixte interactif.
  • Sample size non décrit dans le papier principal.

Références 

  1. Kelly RJ, Hill A, Arnold LM, et al. Long-term treatment with eculizumab in paroxysmal nocturnal hemoglobinuria: sustained efficacy and improved survival. Blood. 2011;117(25):6786–6792.
  2. Loschi M, Porcher R, Barraco F, et al. Impact of eculizumab treatment on paroxysmal nocturnal hemoglobinuria: a treatment versus no-treatment study. Am J Hematol. 2016;91(4):366–370.
  3. Risitano AM, Notaro R, Marando L, et al. Complement fraction 3 binding on erythrocytes as additional mechanism of disease in paroxysmal nocturnal hemoglobinuria patients treated by eculizumab. Blood. 2009;113(17):4094–4100.
  4. Liao DS, Grossi FV, El Mehdi D, et al. Complement C3 Inhibitor Pegcetacoplan for Geographic Atrophy Secondary to Age-Related Macular Degeneration: A Randomized Phase 2 Trial. Ophthalmology. 2020;127(2):186–195.

Auteur/autrice

  • Michael LOSCHI

    Hématologue, chef de clinique en hématologie au CHU de Nice Expertises : syndromes d’insuffisance médullaire et thérapies cellulaires. Hémopathies malignes, en particulier les syndromes myéloprolifératifs, l’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques et la thérapie par CAR T cells. Le Dr Loschi est diplômé de la faculté de médecine de Rouen Normandie. Il a obtenu son doctorat de science à l'Université Diderot à Paris après 3 ans de recherche à l’Université du Minnesota.

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