L’apport de la biologie moléculaire dans l’identification de nouveaux facteurs pronostiques, et de nouvelles cibles thérapeutiques dans la LAL-T

Publié le : 19 octobre 2022Tags:

La caractérisation complète du génome révèle de nouveaux sous-types et des mécanismes de dérégulation des oncogènes chez les enfants ayant une LAL-T.

Comprehensive genome characterization reveals new subtypes and mechanisms of oncogene deregulation in childhood t-all.

D’après la communication orale de P Polönen et al. Abstract #S102, EHA 2022.

 

Contexte de l’étude

La leucémie aiguë lymphoblastique T (LAL-T) représentent 15 % des LAL nouvellement diagnostiquées chez l’enfant et correspondent à des hémopathies malignes agressives. En effet, 15 à 20 % des patients vont rechuter. À ce jour, 8 sous-groupes génétiques ont pu être identifiés grâce aux techniques de Whole Exome Sequencing (WES) et de RNAseq et, en dehors de la MRD (minimal residual disease), peu de facteurs pronostiques robustes ont été établis notamment génétiques.

Objectifs de l’étude

Les études génomiques antérieures sur la LAL-T ont été réalisées sur des cohortes de taille limitée, et excluaient les maladies réfractaires. Elles se concentraient également sur les altérations des parties codantes du génome. L’objectif de cette étude est ainsi, d’améliorer la classification génétique des LAL-T afin d’identifier de nouveaux facteurs pronostiques, et de nouvelles cibles thérapeutiques en identifiant les altérations génétiques des régions codantes et surtout non-codantes de l’ADN connues pour être impliquées dans les mécanismes oncogéniques des LAL-T.

Résultats de l’étude

L’analyse pan-génomique (Whole-genome sequencing (WGS), WES et RNA Seq), a été réalisée sur une cohorte de 1 313 patients inclus dans l’essai AALL0434 (COG). L’âge médian est de 9 ans (0-29 ans).

Dans un 1er temps, les auteurs confirment que 94% des patients ont une altération oncogénique initiatrice avec, pour les 3 plus fréquentes TAL1, TLX3 et LMO2. Ces altérations « drivers » sont rangées par ordre de fréquence sur la figure 1A.

Figure 1A : fréquence des altérations géniques “drivers”.

De plus, les analyses UMAP (Uniform Manifold Approximation and Projection) qui représentent les résultats du transcriptome de chaque patient (un point = un patient) et les analyses de clusters d’expression géniques, ont permis d’identifier 16 sous-types, dont 4 n’ont jamais été rapportés auparavant. Ces sous-groupes sont conduits par une altération oncogénique propre mais se « mélangent » sur le plan transcriptionnel avec d’autres groupe comme HOXA9, HOXA-13R ou ETV6 par exemple (figure 1B).

Figure 1B : résultats du RNA-Seq présentés sous forme d’une visualisation UMAP.

Dans un 2ème temps, les auteurs montrent quelle anomalie oncogéniques initiatrice « pilotent » ces 16 sous-groupes transcriptomiques : plusieurs mécanismes oncogéniques peuvent aboutir à un même profil transcriptomique ; ces mécanismes étant mutuellement exclusifs.

Enfin, dans un 3ème temps, les auteurs montrent que, pour un même sous-groupe, les altérations génétiques sur les voies de signalisation connues des LAL-T (NOTCH, PI3K, etc.) sont hétérogènes comme par exemple dans le sous-groupe TAL 1, seulement la moitié des patients ont une mutation de NOTCH (figure 2).
Ceci permet d’expliquer pourquoi, jusqu’à présent, il n’y a pas d’implication thérapeutique potentielle tant ces sous-groupes sont finalement hétérogènes.

 

 

 

 

Figure 2 : corrélation entre altération génétique, profil d’expression et voie de signalisation.

Quels impacts sur les connaissances et les pratiques cliniques ?

Grâce à ces données issues du laboratoire et de l’équipe de Ch Mullighan au St Jude Hospital, le paysage génétique et transcriptomique des LAL-T est mieux décris, même si le retentissement clinique et thérapeutique reste à affiner dans le futur. On comprend aussi pourquoi les LAL-T sont hétérogènes avec des sous-groupes existants au sein de chaque sous-groupe ; résultat du trio altération génétique activatrice, profil transcriptomique et activation de voies de signalisation.

Critique méthodologique

Plus de 1 300 jeunes patients de 0 à 29 ans avec LAL. Trois outils de séquençage et des données cliniques fournies (comme la survie, la rechute, les immunophénotypes et la maladie résiduelle). Autant dire que cette grande étude, combinant deux domaines demi-sœurs que sont la bioinformatique et la biostatistique, est majeure. Le niveau est tel que seulement 6.1% des drivers de la LAL n’ont pu être identifiés dans cette très large cohorte, ce qui amène à penser que ces résultats seront vraiment très représentatifs.

Pour analyser cette base de données avec autant de dimensions que de participants et de drivers analysés et comprendre de quoi il en retourne, les chercheurs ont d’abord utilisé un outil nommé UMAP pour gérer cette large quantité de données. Il s’agit d’une technique très récente (apparue vers la fin des années 2010) qui permet de déterminer graphiquement des profils à travers des visualisations 2D voire en 3D. Il s’agit là d’une analyse en composantes principale (ACP) innovante. D’une utilité majeure, elle permet d’identifier des clusters, des sous-types, dans le cas présent, en fonction des drivers exprimés (figure 1B), ainsi que leur caractère homogène ou non. Pour quantifier l’expression des gènes, le z-score (une statistique incontournable basée sur les valeurs de moyenne et écarts-type) a été utilisé, indiquant une surexpression supérieure à 2 ou en sous-expression lorsque la valeur est inférieure. En comparaison, les courbes de survie de Kaplan-Meier jusqu’au test de log-rank (non-ajusté) n’atteignent pas ce niveau d’analyse. Elles sont certes très parlantes, car elles montrent le potentiel effet de certaines mutations. Cependant on peut s’interroger sur la population mutée vs. type sauvage des gènes illustrés (et si nécessaire un ajustement de ces analyses sur la survie). Gageons que l’aspect clinique sera analysé plus en détail par la suite en fonction de leurs découvertes.

 

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