Pour la prochaine RCP : vous avez dit LAM NPM1 mutée ? Il faudra également TP53…FLT3 ITD…DNMT3A…IDH…NRAS…KRAS…PTPN11…RAD21

Publié le : 2 janvier 2024
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L’apprentissage automatisé permet l’identification de nouveaux modèles co-mutationnels avec des implications pronostiques dans la LAM mutée NPM1 – Résultats de l’Alliance Européenne Harmony.

Machine Learning Allows the Identification of New Co-Mutational Patterns with Prognostic Implications in NPM1 Mutated AML – Results of the European Harmony Alliance.

D’après la communication orale de AH Sanchez et al. Abstract #304, ASH 2022.

Contexte de l’étude

La LAM est une maladie hétérogène sur le plan clinique, biologique, génomique et en termes de devenir. La mutation de NPM1 est de pronostic favorable mais les patients ont souvent des pronostics différents en fonction des mutations associées. La classification ELN 2017 et 2022 tiennent par exemple compte de l’existence d’une mutation Flt3-ITD.

Objectifs de l’étude

L’objectif est d’identifié des modèles de co-mutation ayant une influence pronostique dans les LAM avec mutation NPM1 et ainsi de redéfinir des modèles de stratification du risque des LAM NPM1m. Un algorithme automatisé permet d’identifier des combinaisons de maximum 4 gènes ayant un impact sur la survie. Une comparaison des différentes combinaisons est possible ensuite à l’aide de modèle de Cox ou de courbes de Kaplan-Meier. 

Résultats de l’étude

Un total de 1 093 patients (âge médian 53 ans, 18-86) atteints de LAM NPM1m traités par chimiothérapie intensive a été sélectionné au sein de l’Alliance Harmony. Quatre-vingt-cinq pourcents des patients ont au moins 3 mutations et plus de 33% ont été allogreffés dont 17% en RC1. La présence d’une mutation de TP53 (rare, n=17) confère un pronostic défavorable. Chez les patients NPM1m avec TP53 sauvage, les mutations Flt3-ITD et DNMT3A définissent un groupe important(n=272) également de mauvais pronostic. Un groupe NPM1m/Flt3-ITDm/DNMT3Awt/IDHm définit un groupe de pronostic favorable (n=46) mais intermédiaire 2 en l’absence de mutation IDH (n=133). Les patients NPM1m sans mutation Flt3/TP53/IDH, mais avec mutation DNMT3A et au moins une mutation parmi NRAS/KRAS/PTPN11/RAD21 sont de pronostic favorable (n=127). Quatre groupes peuvent ainsi être défini (favorable/intermédiaire1/intermédiaire2/défavorable) avec une bonne discrimination sur la survie globale et la survie sans rechute (figure 1 et 2), qui apparait plus fine que l’ELN 2022. Ce modèle permet de reclasser 38% des LAM NPM1 de l’ELN 2022 (figure 2).

Figure 1 : classification hiérarchique des mutations associées aux LAM NPM1m.

L’analyse multivariée sur la survie montre que la nouvelle classification est pronostique (pas l’ELN2022) tout comme l’âge, la caractère secondaire/therapy related, le sexe, et la leucocytose au diagnostic. Une cohorte de validation externe (Tazi et al. Nat Commun 2022, n=587) a permis de valider ce modèle.

Figure 1 : classification hiérarchique des mutations associées aux LAM NPM1m.

Quels impacts sur les connaissances et les pratiques cliniques ?

Cette étude démontre qu’il est possible d’aller plus loin dans la classification actuelle de risque pour les patients atteints de LAM NPM1 mutés et traités intensivement. Ces sous-groupes permettront d’adapter la stratégie au statut de risque. L’impact de ces co- mutations à l’ère des traitements moins intensifs n’est pas connu.

Critique méthodologique

Aujourd’hui les analyses multivariées sont coutumes dans les publications médicales, mais elles ne sont pas toujours exploitées à bon escient. Typiquement, lorsque des mutations entrent en ligne de compte, celles-ci sont bien souvent traitées de manière indépendantes ou avec des combinaisons parfois limitées (NMP1 avec FLT3). En effet, il n’est pas fréquent que les modélisations tiennent comptes de combinaisons ou interactions plus complexes entre certains facteurs ; en l’occurrence différents gènes pour rester dans le sujet. Aujourd’hui avec la démocratisation des algorithmes d’intelligence artificielle sophistiqués (ou machine learning), cela devient plus facile d’analyser l’effet de combinaisons variées. 

Dans le cas présent, les chercheurs ont utilisé des algorithmes de recherche heuristiques et des bootstraps (répétitions de plusieurs sous-échantillons issus de la population initiale de 1 093 patients) pour obtenir un système d’arborescence intégrant jusqu’à 4 co-mutations possibles (figure 1). Cet arbre, subdivisé de manière dichotomique (basiquement : absence ou présence de mutation) et basé sur des modèles de Kaplan-Meier sur la survie globale, permet de distinguer plus précisément 4 niveaux de risque : favorable, intermédiaire-1 ou 2 et défavorable (adverse). 

Comme indiqué dans les précédents paragraphes, les auteurs ont également étudié ces nouvelles combinaisons de mutations à travers un modèle multivarié sur la survie globale, mais aussi la survie sans rechute. Ces modèles intègrent certains facteurs de confusions (quantité de globules blancs), mais pas tous (il manque les blastes et le statut à la greffe). Les résultats confirment le grading des catégories intermédiaires 1, 2 et défavorables par rapport aux favorables. En effet, plus la catégorie de risque s’élève, plus les hazard-ratios sont élevés, indépendamment des autres facteurs en présence. Il est regrettable que l’on ne connaisse pas l’impact du statut à la greffe et des blastes sur la survie pour encore mieux ajuster les effets de cette nouvelle classification. Heureusement, ces deux variables n’impactent pas la survie de cette cohorte. Ces questionnements sont atténués par la confirmation de cette classification du modèle HARMONY dans une cohorte de validation externe. Les résultats sont tout de même avérés, même si ce n’est pas à 100%.

Cette reclassification, bien qu’elle ne concerne qu’une population de LAM spécifique (traitement intensif et NPM1 mutés), remet véritablement en cause une bonne partie de la classification ELN2022… Reste à savoir si l’ELN millésime 2022 est déjà obsolète pour d’autres types de populations de patients avec LAM. 

 

Auteurs/autrices

  • Sylvain CHANTEPIE

    Hématologue, PH.
    Expertises : leucémies aigües et allogreffe.
    Liens d'intérêts au 01/01/2024 : l'auteur déclare ne pas avoir de liens d'intérêts.
    Correspondance : CHU de Caen.
    chantepie-s@chu-caen.fr

  • Stéphane MORISSET

    Biostatisticien.
    Domaines d'expertise : essais cliniques.
    Liens d'intérêts au 06/03/2024 : l'auteur déclare ne pas avoir de liens d'intérêts.
    Liens d'intérêts au 01/01/2024 : l'auteur déclare ne pas avoir de liens d'intérêt.

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