Actualités dans les leucémies aiguës myéloïdes

Publié le : 5 septembre 2021

Cette deuxième édition virtuelle de l’EHA a mis en avant des nouveautés dans la définition pronostique des leucémies aiguës myéloïdes (LAM), le suivi et le traitement des LAM unfit ou en rechute/réfractaire.

Pronostic des LAM

L’enjeu majeur dans les LAM, sur un plan biologique, reste la définition des groupes pronostiques à risque pour identifier les patients relevant des traitements intensifs et notamment de l’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH).

Kolesnikova et coll. ont présenté un travail sur 53 patients avec LAM évaluant le profil de résistance aux drogues par l’étude de l’expression du gène MDR et montre une corrélation entre le niveau d’expression de ce gène et la réponse aux chimiothérapies, suggérant d’inclure cette donnée dans les algorithmes décisionnels de prise en charge (abstract PB 1389).

L’équipe lilloise a présenté (A. Boudry EP 385) un algorithme basé sur le NGS pour la détection et quantification de FLT3-ITD. La détection par analyse de fragment ayant un seuil de sensibilité de 1%, le NGS permettrait de détecter des taux plus faibles tout en screenant les autres anomalies moléculaires. Les différents algorithmes développés ont été testés sur la cohorte du BIG1 sur 500 patients au diagnostic : 147 patients présentant une ITD détectée en analyse de fragment versus 71 contrôles sauvages randomisés ont été évalués par NGS. La technique a confirmé les anomalies retrouvées en analyse de fragment avec un ratio corrélé entre les 2 analyses. Parmi les patients considérés négatifs en analyse de fragment, 5 ont été détectés positifs en NGS avec un seuil de 10-4. Cette méthode de détection rapide reste à être confirmée sur une plus grande cohorte de patient. Les publications sur le rôle pronostique de la charge allélique de FLT3-ITD faisant état d’un impact négatif au-delà de 0,5 de ratio muté/sauvage(1), nous pouvons nous poser la question de l’intérêt d’une telle sensibilité pour une technique qui reste coûteuse.

Une question intéressante qui émerge de plus en plus fréquemment est celle de l’impact de la charge allélique mutée plus que la mutation en elle-même(2). Une équipe espagnole a ainsi présenté (EP408) l’impact de la charge allélique (VAF) TP53, EZH2, U2AF1, WT1, FLT3 et SF3B1 dans 497 LAM traitées de façon intensive ou non (tableau 1). Quel que soit le groupe de traitement, la VAF TP53 impacte clairement sur la survie globale des patients. De façon intéressante, la VAF des gènes du splicéosome et de la chromatine (U2AF1 et EZH2) impacte sur la survie globale des patients traités de façon intensive. Va-t-on vers une classification basée sur le taux de clone muté ?

Maladie résiduelle nouvelle génération

D’autres données biologiques intéressantes concernent la maladie résiduelle (MRD) et son suivi. De plus en plus de travaux évaluent l’intérêt du suivi NGS de la MRD(3) et l’EHA a eu son lot de présentation à ce sujet. Heuser et coll. (abstract S128) ont évalué la reproductibilité de la MRD NGS dans 12 laboratoires européens et montré une sensibilité et spécificité élevée de la technique avec une reproductibilité satisfaisante. L’équipe allemande (abstract EP376) a également évalué sur une cohorte de 296 ITD, le suivi de la MRD par NGS avec chez des patients traités par midostaurine. Il existe une corrélation entre les réductions de VAF après 2 cycles de chimiothérapie, à la fin du traitement et l’incidence cumulée de rechute. Il n’existe pas de corrélation avec la survie globale des patients.

L’utilité de l’évaluation de la MRD par cytométrie de flux ont fait l’objet de plusieurs abstracts confirmant le bénéfice de cette technique (abstracts PB1869, PS1055) avec un impact indépendant de l’ELN sur la survie sans leucémie (figure 1).

L’importance d’obtenir une MRD négative pré-allogreffe a également été présentée en communication orale (abstract S233) via les données de l’EBMT. Il s’agissait de patients allogreffés avec donneur non apparenté avec cyclophosphamide post-greffe. Il n’y a pas de différence en termes de prise de greffe, de survenue de maladie du greffon contre l’hôte (GVH). La survenue de rechute, la survie sans leucémie et la survie sans rechute et sans GVH étaient significativement différentes entre MRD positive et négative pré-greffe. En revanche, il n’y a pas d’impact retrouvé sur la survie globale. 

Des nouveautés en thérapeutique ?

En dehors des anti-IDH développés plus loin et des anti-FLT3 en rechute ou maintenance, les résultats de l’étude VIALE-A ont été présentés par l’équipe d’Andrew Wei. Pour mémoire, cette étude de phase 3 évaluait l’intérêt du vénétoclax versus placebo en association avec l’aracytine faible dose chez les patients unfit en 1ère ligne. Un total de 211 patients a été randomisé en 2/1, avec un follow-up médian de 17,5 mois. La survie globale médiane était de 8,4 mois versus 4,1 mois et la survie médiane sans évènement de 4,9 mois versus 2,1 mois. Les auteurs rapportent des taux impressionnants de RC/RCi de 48% dans le bras expérimental. Reste à voir à distance si ces taux se confirment au long cours, ce qui peut laisser dubitatif, mais le traitement semble quand même bénéfique chez cette population de patients. La toxicité décrite reste classique, hématologique, comme tous les essais qui testent le vénétoclax. 

Toujours chez le sujet unfit, les résultats de l’étude de phase 3 ASTRAL-1 ont été présentés. Cette étude randomisait pour 815 patients la guadécitabine (un nouvel agent déméthylant) versus meilleur traitement disponible choisi par l’investigateur (azacytidine, décitabine, ou aracytine faible dose). Seuls les comparaisons azacytidine versus décitabine ont été abordées. La médiane d’âge est de 76 ans pour les 2 types de traitements, avec des patients OMS 2-3 majoritairement. Les caractéristiques clinico-biologiques de la LAM étaient globalement équilibrées entre les 2 groupes. Le suivi médian est de 25,5 mois. Les taux de RC et OS médiane sont équivalents entre azacytidine et décitabine. Nous attendons impatiemment les résultats complets de cette étude, sans doute pour l’ASH.

Chez le malade unfit toujours, y compris TP53 mutés, en 1ère ligne, les résultats de la phase 1 testant le magrolimab (anticorps anti-CD47) en combinaison avec azacytidine ont été rapporté par Daver. Un total de 29 patients a été inclus avec une médiane d’âge de 74 ans et une majorité de cytogénétique défavorable (72% et 45% de TP53 mutés). Le traitement était bien toléré avec une seule interruption pour effet secondaire. Vingt-cinq patients étaient évaluables en termes d’efficacité : le taux de RC/RCi était de 56%) avec des réponses cytogénétiques dans la moitié des cas. La durée médiane de suivi était de 9,4 mois avec une durée médiane de réponse et de survie globale non atteintes. Pour les patients mutés TP53 (12), les résultats sont aussi très encourageants avec des taux de RC/RCi de 75% ! Là encore les médianes de survie globale et de durée de réponse non atteintes. Les résultats préliminaires de cet essai sont assez bluffant y compris chez des patients aux caractéristiques défavorables. Nous attendons la suite du chemin de cette molécule !

Pour conclure, un nouvel EHA virtuel avec des nouveautés en termes biologiques et thérapeutiques dont nous allons suivre le développement dans les mois à venir. 

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