Code QuANTUM dans la leucémie aiguë myéloïde

Publié le : 5 novembre 2019Tags: ,

Le quizartinib prolonge significativement la survie globale de patients atteints de LAM en rechute/refractaire FLT3-ITD mutées, dans l’essai de phase 3 randomisé QuANTUM-R.
Quizartinib significantly prolongs overall survival in patients with FLT3-ITD mutated relapsed/refractory AML, in the phase 3, randomized, controlled QuANTUM-R trial.
D’après la communication orale de Cortes J, abstract LB2600, EHA 2018.
 

Contexte de l’étude

Suite aux études RATIFY et SORAML, les inhibiteurs de FLT3, et plus spécifiquement la midostaurine, ont trouvé leur place en 1ère ligne ainsi qu’en maintenance chez les patients atteints de leucémies aiguës myéloïdes (LAM) nouvellement diagnostiquées, mutées pour FLT3-ITD(1, 2). Le quizartinib, un inhibiteur de 2nd génération qui malgré des taux de réponses intéressant en monothérapie, avait vu son développement ralenti en raison de toxicités cardiaques. Dans l’étude de phase 2, portant sur 333 patients atteints de LAM FLT3-ITD+ en rechute/réfractaire, cet inhibiteur permettait d’obtenir jusqu’à 46% de réponse complète (RC) composite chez les patients mutés et 30% chez les non mutés. Il fut rapporté 10% d’allongement du QTc de grade 3
(25% tout grade confondu) et ce malgré un amendement de réduction de dose, avec une mortalité précoce (dans les 30 jours) de 5% et une faible toxicité hématologique. Le problème essentiel restait tout de même que les durées de réponse étaient particulièrement courtes (entre 5 et 20 semaines en fonction de la cohorte étudiée), faisant de ce type de stratégie une option thérapeutique potentielle en cas de projet d’allogreffe (3). Actuellement, il n’existe aucun standard de traitement chez ce type de patients en rechute/réfractaire. La plupart des protocoles de rattrapage (i.e. MEC, FLAG-Ida) permettent d’obtenir des taux de réponses de l’ordre de 30-50% et des durées de réponse en l’absence de greffe de l’ordre de 5 à 7 mois, le tout associé à une mortalité précoce potentiellement importante. En somme, il y a largement de la place et surtout un besoin important d’outils thérapeutiques dans ces situations de rechute ou de LAM réfractaire à une première ligne pour lesquelles le pronostic reste particulièrement sombre, même en cas d’allogreffe, surtout chez les patients porteur d’une mutation FLT3-ITD.

Objectifs de l’étude

Dans cette étude de phase III randomisée, Cortes J et al. ont présenté cette année les résultats très attendus de l’essai QUANTUM-R comparant quizartinib monothérapie versus chimiothérapie de rattrapage (laissé au choix du praticien : aracytine sous-cutanée faible dose, MEC ou FLAG-Ida) chez des patients atteints de LAM FLT3-ITD mutées (ratio ≥ 3%) réfractaires ou en rechute moins de 6 mois après l’obtention d’une 1ère rémission complète (RC). Les patients ont été randomisés entre deux bras : un bras expérimental avec le quizartinib (30mg/j pendant 15 jours puis 60mg/j), et un bras contrôle (SOC) avec, au choix du praticien, la possibilité de traiter par schémas intensifs (MEC, FLAG-Ida) ou semi-intensifs (aracytine sous cutanée) (figure 1). Les patients pouvaient ensuite être allogreffés en cas de donneurs compatibles disponibles. L’objectif principal était la survie globale en intention de traiter.

Figure 1 : design de l’étude QuANTUM-R. D’après Cortes J, abstract LB2600, EHA 2018.

Figure 1 : design de l’étude QuANTUM-R. D’après Cortes J, abstract LB2600, EHA 2018.

Résultats de l’étude

Au total, 367 patients ont été inclus (N=245 dans le bras quizartinib, N=122 dans le bras chimiothérapie (22 LDAC, 40 MEC, 53 FLAG-Ida)) d’un âge médian de l’ordre de 55 ans. Seul 30% des malades randomisés avaient un âge supérieur à 65 ans. Un tiers de la cohorte (comparable dans les 2 bras) avait le statut «réfractaire» à une première ligne et le reste était en rechute précoce. Un gros tiers des malades présentait dans chaque bras un ratio allélique ≥ 50% et 41% portaient une mutation NPM1. Environ 25% d’entre eux avaient déjà bénéficiés d’une allogreffe de moelle. Après une première cure d’induction, 48% des patients sous quizartinib ont obtenu une RC composite contre seulement 27% dans le bras chimiothérapie simple (taux de réponse
globale (RC+ réponses partielles) : 60% quizartinib vs 30% chimiothérapie). Comme cela avait déjà été décrit, la durée médiane de réponse au quizartinib était courte (12 semaines) mais plus longue que pour la chimiothérapie seule (5 semaines), permettant ainsi d’amener 32% des patients à l’allogreffe (contre 12% pour le bras SOC). Après un suivi médian de 23.5 mois, la médiane de survie globale (OS) était de 6.2 mois dans le bras quizartinib (IC 95% : 5,3-7,2 mois) contre 4.7 mois dans le bras SOC (IC 95% : 4,0-5,5 mois) (HR=0,76 ; p=0,018). À 12 mois, 27% des patients sous quizartinib étaient
encore en vie contre vs 20% dans le bras SOC (figure 2). Concernant la survie sans évènement (EFS), il n’y avait en revanche pas de différence significative entre les deux bras (EFS médiane : 6 semaines quizatinib, 4 semaines SOC, p=0.107). En termes de tolérance, la toxicité hématologique était comparable entre les deux bras en dehors d’un léger excès de neutropénies fébriles de grade III dans le bras quizartinib (31% vs 21%). Pour le reste, l’inhibiteur de FLT3 induisant autant de thrombopénie, anémie ou neutropénie de grade 3 que le SOC (entre 30 et 40%) Concernant l’allongement du QTc, aucun allongement du QTc de grade IV n’a été observé (12% de grade 2, 3% de grade III) et seulement 2 patients ont du arrêter le traitement suite à un allongement du QTc.

Figure 2 : courbe de survie globale en intention de traiter (Kaplan Meyer). D’après Cortes J, abstract LB2600, EHA 2018.

Figure 2 : courbe de survie globale en intention de traiter (Kaplan Meyer). D’après Cortes J, abstract LB2600, EHA 2018.

 Quels impacts sur les connaissances et les pratiques cliniques ?

Après les résultats mitigés du vosaroxin, cette étude montre que le rattrapage par quizartinib est une option thérapeutique intéressante dans les LAM R/r, permettant d’obtenir des taux de rémission complète comparables voir supérieurs à ceux observés avec des schémas thérapeutiques intensifs classiques et probablement d’amener plus de patients à la greffe(4). Le bénéfice en termes de survie globale reste cependant modeste voir difficilement interprétable. En effet, 19,4% des patients dans le bras SOC ont été traités par de l’aracytine sous-cutanée faible dose. Ce type de traitement ne permet d’obtenir que 10-20% de RC et des durées de réponses (en OS et EFS) probablement inférieurs aux schémas intensifs, notamment chez les sujets les plus jeunes, de pronostic non défavorable. Il n’en reste pas moins que la majorité de la population étudiée était composée de patients ayant rechutés dans les 6 mois suivant une première RC, soit de pronostic extrêmement défavorable expliquant ainsi les durées de survie particulièrement mauvaise dans les deux groupes. On regrettera également que les auteurs n’aient pas présentés les données de maladie résiduelle NPM1 afin de corréler la MRD à la durée de réponse. En première ligne, Balsat et al. ont démontré que la MRD1 NPM1 était un facteur prédictif indépendant du statut FLT3-ITD en terme de rechute et que les patients MRD1 négatifs ne bénéficiaient pas nécessairement de la greffe(5). La place du monitoring de la MRD en 2nd ligne reste pour le moment floue. Néanmoins, si l’on compare à ce qui a déjà été fait chez des patients traités par inotuzumab ozogamicine dans le cadre de leucémies aiguës lymphoblatiques en rechute/ réfractaire, la MRD même chez des patients avancés pourrait garder tout de même une valeur prédictive sur la survie globale et sans évènement(6). Enfin, dans le bras quizartinib, les patients pouvaient être greffés ou maintenus sous inhibiteur jusqu‘à progression. Avec un nombre médian de 4 cycles, il aurait pu être intéressant de comparer la maintenance par quizartinib à l’allogreffe de moelle osseuse. Au final, même si le bénéfice en termes de survie n’est pas évident, il n’en reste pas moins que le quizartinib en monothérapie semble faire au moins aussi bien que des schémas de rattrapage classique. À la dose de 60mg (tout sexe confondu), les auteurs n’ont pas rapporté d’évènement cardiaque de grade 4 (torsade de pointe). Il n’en reste pas moins que les durées de réponse restent courtes, et que pour le moment une procédure d’allogreffe de moelle doit être envisagée lorsque cela est possible.
 

Critique méthodologique

Cette étude randomisée de 367 patients s’intéresse à la survie globale comme critère principal. Méthodologie: randomisation 2:1 Le choix méthodologique d’une randomisation déséquilibrée doit se justifier. Le ratio 2 :1 des tailles de groupes randomisés est bien reporté, rien n’est dit sur le calcul du nombre de sujets nécessaires, s’il n’a pas été calculé correctement, la puissance du test statistique peut en pâtir. Enfin la justification à la randomisation inégale n’a pas été discutée. Ceci aiderait énormément les lecteurs à évaluer la qualité et le risque de polarisation de tels essais (cf. focus « Randomisation déséquilibrée »)
Analyses
Il n’est pas précisé que la randomisation est stratifiée. Ce qui rend discutable le choix d’un log-rank stratifié dont les facteurs de stratification ne sont d’ailleurs pas précisés. Les tests de supériorité en recherche clinique, c’est un grand débat… pour éviter toute accusation d’hypothèses arbitrairement favorables au test statistique, il est en général fait avec un risque alpha de 1ère espèce de 2.5% (one-sided). Ou plutôt, ce qui revient au même, en test bilatéral à 5% (two-sided) pour vérifier si les 2 traitements diffèrent avant de regarder dans quel sens. Une p valeur de 0.0177 (one-sided) correspond donc à une p valeur de 3.54% en bilatéral. C’est donc significatif mais assez proche du seuil.
Références

  1. Stone RM, Mandrekar SJ, Sanford BL et al. Midostaurin plus chemotherapy for acute myeloid leukemia with a FLT3 mutation. N Engl J Med 2017; 377(5):454-464.
  2. Röllig C, Serve H, Hüttmann A et al. Addition of sorafenib versus placebo to standard therapy in patients aged 60 years or younger with newly
    diagnosed acute myeloid leukaemia (SORAML): a multicentre, phase 2, randomised controlled trial. Lancet Oncol 2015; 16(16):1691-9.
  3. Cortes J, Perl AE, Döhner H, et al. Quizartinib, an FLT3 inhibitor, as monotherapy in patients with relapsed or refractory acute myeloid leukaemia:
    an open-label, multicentre, single-arm, phase 2 trial. Lancet Oncol 2018. pii: S1470-2045(18)30240-7.
  4. Ravandi F, Ritchie EK, Sayar H, et al. Vosaroxin plus cytarabine versus placebo plus cytarabine in patients with first relapsed or refractory acute
    myeloid leukaemia (VALOR): a randomised, controlled, double-blind, multinational, phase 3 study. Lancet Oncol 2015; 16(9):1025-1036.
  5. Balsat M, Renneville A, Thomas X, et al. Postinduction Minimal Residual Disease Predicts Outcome and Benefit From Allogeneic Stem Cell
    Transplantation in Acute Myeloid Leukemia With NPM1 Mutation: A Study by the Acute Leukemia French Association Group. J Clin Oncol
    2017; 35(2):185-193.
  6. Jabbour E, Gökbuget N, Advani AS, et al. Impact of minimal residual disease (MRD) status in clinical outcomes of patients with relapsed/
    refractory (R/R) acute lymphoblastic leukemia (ALL) treated with inotuzumab ozogamicin (InO) in the phase 3 INO-VATE trial. J Clin Oncol
    2018. suppl; abstr 7013.

 
 

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